L’ancienne Première dame du Gabon, Sylvia Bongo Ondimba, a été incarcérée à la prison centrale de Libreville dans la nuit du 11 au 12 octobre.
Arrêtée le 30 août dernier aux premières heures du coup d’Etat militaire ou de « la libération », Sylvia Bongo a d’abord été gardée en résidence surveillée au cinquième étage du Palais du bord de mer, la présidence gabonaise, où elle avait un peu de tout sinon tout. Son deuxième fils, Bilal, à ses côtés. Un cuisinier, une femme de chambre et tout ce qu’il faut pour vivre décemment. Elle est ensuite transférée dans une des « villas Cemac », destinées à héberger les chefs d’Etat de passage au Gabon, de La Sablière, un quartier huppé de la capitale qu’elle connaît bien. Elle retrouve un autre amour : ses trois chiens préférés. Mais, peu à peu, la situation commence à changer.
Le 4 octobre, son fils Bilal lui est retiré et envoyé auprès de son père, Ali Bongo Ondimba, le président déchu, confiné au Palais du bord de mer. Le 5 octobre, un animalier vient récupérer ses chiens. Sylvia Bongo-Valentin est coupée de ses amours. La situation se corse. Elle constate un jour après que le cuisinier ne vient plus. Mais elle est toujours nourrie. Puis c’est la femme de chambre qui disparaît. Sylvia n’a plus son linge à portée de main, ainsi que sa trousse de beauté. C’est dans ces circonstances qu’elle est conduite, le 11 octobre, au parquet rencontrer le juge d’instruction pour une confrontation avec Brice Laccruche Alihanga, un de ses anciens hommes liges avec qui elle était en totale rupture de ban. Sylvia Bongo aurait, selon toute vraisemblance, contribué à la chute brutale de Laccruche Alihanga de son piédestal. Tombé en disgrâce, il croupit en prison depuis 2019. L’ex-directeur de cabinet d’Ali Bongo est présenté en face de Sylvia Bongo. Laccruche est méconnaissable. Amaigri, barbe, certes, rasée, mais chevelure de clochard, sandales de religieux aux pieds, le corps couvert d’un vulgaire t-shirt. Le face-à-face est saisissant.
Avant la confrontation entre les deux ex-fortes personnalités du palais présidentiel, la justice a pris tout son temps. Sylvia Bongo, arrivée au palais de justice à 9 heures, a patienté de longues heures. Les clients du jour chez les juges d’instruction étaient entre autres Justin Ndoundangoye (ancien ministre), Noureddin Bongo Valentin (fils de Sylvia et Ali Bongo)… Tous étaient déjà à « Sans famille », le surnom de la prison de Libreville.
Le vent tourne pour Sylvia Bongo Valentin aux alentours de 1 heure du matin. La confrontation terminée, le juge demande aux avocats de plaider. Inacceptable, se désole Me Gisèle Eyue Békalé, avocate de Sylvia, qui a demandé et obtenu un renvoi d’audience dans dix jours pour lui permettre de « plaider la remise en liberté » de sa cliente. L’ex-puissante Première dame que l’on soupçonnait de diriger le Gabon depuis l’accident vasculaire cérébral (AVC) qui a foudroyé son époux, le 24 octobre 2018, à Ryad, en Arabie saoudite, ne retournera plus dans sa résidence surveillée. Le juge vient de décider de l’incarcérer provisoirement pour dix jours à la prison centrale de Libreville.
Sylvia Bongo Ondimba, 60 ans, est au cœur d’une vaste enquête sur de présumés crimes économiques, avec des détournements massifs d’argent public en compagnie de son fils Noureddin Bongo-Valentin, déjà incarcéré, et d’autres de leurs ex-proches du cabinet présidentiel. Elle est poursuivie pour « blanchiment de capitaux, recel, faux et usage de faux » après sa comparution devant les juges.Arrivée tôt le matin le 11 octobre, l’ancienne Première dame quitte le palais de justice aux premières heures du 12 octobre, vêtue d’un polo rose avec capuche, un peu comme Laccruche Alihanga il y a 4 ans, filmé à son départ à « Sans famille » avec un ensemble jaune, la tête couverte par une capuche.
Serge Noël