MOZAMBIQUE Le Frelimo sous pression

Le président sortant, Filipe Nyusi en compagnie du candidat du Frelimo, le parti au pouvoir, Daniel Chapo.

Les Mozambicains se rendent aux urnes ce 9 octobre pour choisir un successeur au président sortant, Filipe Nyusi, dans l’incapacité constitutionnelle de briguer un troisième mandat, et renouveler leurs représentants à l’Assemblée nationale.

Comme depuis plusieurs décennies, le rapport de force va encore se jouer entre les deux principales formations politiques du pays : le Front de libération du Mozambique (Frelimo), au pouvoir depuis d’indépendance, en 1975, et la Résistance nationale du Mozambique (Renamo), le premier parti d’opposition. Un duel qui a toujours tourné à l’avantage du Frelimo qui, sauf imprévu, devrait encore l’emporter et rester au pouvoir. Elu en 2015, puis réélu en 2019, l’actuel chef de l’Etat, Filipe Nyusi, ne peut briguer un troisième mandat selon la Constitution. Le parti de l’indépendance, pour porter ses couleurs, a choisi Daniel Chapo, actuel gouverneur d’une province du sud, ancien professeur de sciences politiques et ex-présentateur radio, peu connu du grand public. À 47 ans, il est le premier candidat présidentiel du Frelimo à être né après l’indépendance du pays. Il affrontera Ossufo Momade, candidat de la Renamo, qui avait recueilli 22% des suffrages lors de la présidentielle de 2019, contre 73% pour le président sortant Felipe Jacinto Nyusi. Les deux principaux protagonistes doivent toutefois faire face à deux autres prétendants qui peuvent brouiller les cartes : Lutero Simango, 64 ans, du Mouvement démocratique du Mozambique (MDM), deuxième parti d’opposition et Venâncio Mondlane, 50 ans, ancien membre de la Renamo. Ce dernier, candidat indépendant, est soutenu toutefois par le parti Podemos composé de dissidents du Frelimo.

Une situation qui fait dire à certains analystes politiques que «  les élections actuelles sont les plus ouvertes après les indépendances ». Pour de nombreux experts, le système multipartite, salué au sortir de la guerre civile (1977-1992), qui a permis à l’ancienne rébellion anti-communiste, devenue un parti politique, d’être confortablement représentée au Parlement n’est, de plus en plus, que de nom. Les élections (présidentielle et législatives de 2019), tout comme les municipales de 2023, ont été émaillées de nombreuses fraudes et incidents violents selon les observateurs internationaux qui ont qualifié ces élections« des moins équitables depuis le retour à des élections multipartites en 1994 ». Permettant ainsi au Frelimo de détenir,en même temps que la présidence de la République,la quasi totalité des rouages décisionnels du pays (184 sièges sur 250 à l’Assemblée nationale, 64 municipalités sur 65, 10 provinces sur 11, etc.), en rétrécissant, au fil des consultations électorales à partir de 1999, l’espace de l’opposition.

Bousculer l’hégémonie du Frelimo

Malgré ce terrain de jeu inégal, même si c’est un secret de Polichinelle qu’elle ne peut remporter la présidentielle, l’opposition, la Renamo, en particulier,entend néanmoins bousculer l’hégémonie du parti au pouvoir traversé par des divisions internes et secoué par de nombreux scandales de corruption, en surfant par ailleurs sur la situation socio-économique que connaît le pays avec un ralentissement du PIB, à partir de 2015, après plusieurs décennies de croissance continue. Résultat,augmentation du coût de la vie,inégalités croissantes entre les populations rurales et les élites urbaines.Il y a aussi l’insécurité qui règne dans la région de Cabo Delgado, qui a causé plus de 700 000 déplacés internes depuis 2017, et empêche la mise en exploitation, pleinement, des vastes gisements de gaz naturel (12ème réserve mondiale et 1ère au sud du Sahara) découverts en 2010. Dans ce dossier, l’opposition se dit favorable à des discussions avec les rebelles en prenant en compte les« causes sociales de l’insurrection », alors que le Frelimo a toujours refusé de négocier avec les groupes jihadistes, liés à l’Etat islamique, qui sévissent dans la région.

Pour de nombreux analystes, ces arguments sont loin d’être suffisants pour permettre à la Renamo d’arriver au pouvoir. Dans son allocution, le 25 juin 2024, à l’occasion de la célébration du 49è anniversaire de l’indépendance du Mozambique, le chef de l’Etat, Filipe Nyusi, a salué l’essor du pays depuis 1992, année de fin de la guerre civile, qui a opposé le Frelimo à la Renamo. Pour plusieurs économistes, le président sortant laisse un pays aux perspectives économiques attractives. Passant de près de 4% en 2022 à 5% en 2023, la croissance pourrait atteindre 8,3% en 2024.

K.S.