RDC : Le satisfécit du FMI

Le chef de mission, Calixte Ahokpossi, a été reçu par le président Félix Tshisekedi.

La sixième et dernière revue de la Facilité élargie de crédit (FEC) est validée. La RDC devrait bientôt recevoir la dernière enveloppe de quelque 200 millions de dollars, sur un montant global de 1,5 milliard de dollars alloué au titre de la FEC.

Une première pour la République démocratique du Congo : un cycle complet bouclé avec le Fonds monétaire international (FMI). La 6ème revue du programme économique et financier du pays soutenu au titre de la FEC a été validée à l’issue d’une mission du FMI qui s’est rendue à Kinshasa du 25 avril au 8 mai. Lors de cette mission, dirigée par Calixte Ahokpossi, les représentants du FMI se sont entretenus avec les autorités du pays, et en particulier le ministre sortant des Finances, Nicolas Kazadi. « L’achèvement de la revue permettra un décaissement de 152,3 millions de DTS (un peu plus de 200 millions de dollars) pour renforcer les réserves internationales », a précisé Calixte Ahokpossi.

Un long chemin

Elu président fin 2018, Félix Tshisekedi avait tenu à renouer avec les institutions de Bretton Woods. Le FMI avait brutalement mis fin à un financement de plus de 560 millions de dollars en 2012, invoquant le manque de transparence dans une transaction touchant la plus importante entreprise minière étatique, la Gécamines. La reprise du dialogue et de la coopération entre le FMI et la RDC était intervenue en marge de la visite du président Tshisekedi aux Etats-Unis en 2019. Bénéficier d’une coopération et d’un programme sous appui du FMI est aussi un passage indispensable pour avoir accès à d’autres bailleurs de fonds qui ont besoin de cette « caution » pour s’engager. Finalement, cet accord au titre de la FEC, d’une durée de 3 ans et d’un montant de 1 066 millions de DTS (100% du quota, soit environ 1,52 milliard de dollars) a été approuvé par le Conseil d’administration du FMI le 15 juillet 2021.

Nous voilà donc presque trois ans après. A l’issue de sa mission, le FMI a considéré que « La performance du programme a été globalement positive, la plupart des objectifs quantitatifs ayant été atteints et les principales réformes ayant été mises en œuvre, bien qu’à un rythme ralenti. »

Performances économiques

Le FMI salut la très belle croissance de 8,3% de croissance en 2023 et la consolidation des réserves de change. Des résultats engrangés grâce à la dynamique du secteur minier  et de la hausse des revenus perçus par l’Etat sur l’exploitation minière.

« La situation sécuritaire à l’Est et la période pré- et post-électorale ont eu un impact sur la mise en œuvre du programme soutenu par la FEC », reconnaît le FMI. L’inflation reste élevée, atteignant 23,8% fin 2023, avant de diminuer lentement pour atteindre 21,2% fin avril. Le déficit budgétaire intérieur s’est creusé, dépassant les prévisions et atteint 1,3% du PIB. Cette dégradation du déficit a toutefois été limitée grâce aux bons résultats du côté des recettes. Les réserves internationales se sont aussi renforcées, atteignant 5,5 milliards de dollars, soit environ deux mois d’importations de biens et services fin 2023.

Dans ces discussions avec la RDC, le FMI demande que la Loi de finances révisée 2024 intègre l’impact positif de l’avenant au contrat avec la société minière sino-congolaise Sicomines récemment signé, tant en termes de recettes que de dépenses d’investissement. Une des conditions posée par le FMI pour la poursuite du programme était la publication des contrats miniers. Chose faite. Le gouvernement congolais a communiqué les détails des conditions révisées de la Sicomines, qui comprennent environ 7 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures de la part de la Chine, sous condition que les prix du cuivre restent élevés. C’est 2,5 fois de plus que prévu. Le FMI demande également la mise en place de mécanismes pour garantir la transparence et la bonne utilisation de ces fonds.

La récente réduction des subventions aux prix du carburant devrait permettre, selon le FMI, de réduire la pression budgétaire, mais aussi d’engager des dépenses sociales afin de protéger les plus pauvres. « Il est essentiel d’améliorer la chaîne des dépenses, qui continue de présenter des lacunes importantes et des risques majeurs en matière de gouvernance », observe l’institution financière.

Politique monétaire

La politique monétaire restrictive menée par le gouvernement est jugée appropriée, par le FMI qui salue la volonté de la banque centrale de prendre des mesures supplémentaires, si nécessaire et les efforts visant à poursuivre la constitution de réserves internationales tout en préservant le rôle du taux de change en tant qu’amortisseur. « Les discussions ont également porté sur les réformes en cours à la Banque centrale pour améliorer les sauvegardes, renforcer le cadre de la politique monétaire, améliorer la supervision bancaire et soutenir l’inclusion financière », précise le FMI.

L’institution recommande toujours d’intensifier la lutte contre la corruption par la transparence dans l’utilisation des ressources publiques, le renforcement du système judiciaire et la mise en œuvre du plan d’action convenu avec le GAFI, dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Dans le secteur privé, elle insiste sur l’amélioration l’environnement des affaires et la promotion la diversification économique, au-delà des mines.

« Avec la fin du programme en cours, des politiques économiques prudentes restent recommandées, notamment via une bonne coordination des politiques budgétaires et monétaires, soutenue par une amélioration de la gouvernance. Les autorités ont exprimé leur intérêt pour un nouvel accord et pour l’accès à la Facilité de résilience et de durabilité » conclut la mission du FMI.

La balle est dans le camp de la RDC. Si le programme s’achève dans de bonnes conditions il ouvrira la voie à d’autres accords et programmes et ce sera la première fois depuis l’indépendance du pays qu’un programme triennal avec le FMI sera achevé.

Anne Lauris