Devenue virale la semaine dernière, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux montrant des scènes de panique dans une école congolaise, à Bukavu (Sud-Kivu). Des parents accourent pour aller récupérer illico presto leurs enfants. Et pour cause : une rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre dans la ville annonçant une campagne de vaccination imminente et forcée dans ladite école. Et ce, à l’insu des parents bien sûr ! Comment les autorités sanitaires et académiques pouvaient-elles programmer une telle opération sans prévenir les parents ? L’information était certes fausse, mais le mal est fait. D’autant que si vaccination il y a, les premiers concernés sur la liste ne seront jamais les plus jeunes. Reste que cette agitation et cette pagaille ont donné une idée de l’opposition d’une partie de la population congolaise – toutes provinces confondues – à la vaccination.
Sans avoir au préalable préparé l’opinion nationale à une telle opération, voilà que les premières doses arrivent à Kinshasa. Il était 20h10 quand un avion cargo de la compagnie Turkish Airlines a atterri, mardi 2 mars, à l’aéroport de N’Djili. Au pied de la passerelle de l’avion attendent deux membres du gouvernement sortant qui expédie les affaires courantes. Bien évidemment, le ministre de la Santé, le Dr Eteni Longondo, a fait le déplacement pour réceptionner la précieuse cargaison. A ses côtés se trouve également son collègue en charge de la Communication et porte-parole du gouvernement, David Jolino Diwampovesa Makelele. Masques vissés sur le nez et la bouche, ils assistent au déchargement du cargo turc en provenance d’Inde. Les premiers cartons sont orientés vers les deux ministres. Ils portent la mention en anglais « produit sensible au temps et à la température ». Dans un pays situé sous les tropiques où il fait plus de 20° Celsius, même après 20 h, il faut faire vite. Mais il faut auparavant immortaliser ce grand moment et tourner les images qui feront foi. Car, comment convaincre une population qui est opposée au vaccin si elle ne voit pas les doses arriver de l’étranger ? On ose deviner ce mercredi les conversations entre élèves dans les cours de récréation, entre commerçants sur les marchés bondés de la capitale, entre voyageurs dans les autobus de Transco, entre passagers dans les taxis exigus qui sillonnent la ville, entre parlementaires debout, qui commentent l’actualité en parcourant la Une des quotidiens locaux posés à même le sol.
Selon un tweet du bureau congolais de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la cargaison arrivée à Kinshasa compterait plus de 1,7 million de doses de vaccins. Ces doses proviennent d’Inde car il s’agit du vaccin AstraZeneca produit aussi dans ce pays-continent, grâce notamment à un accord avec ce laboratoire pharmaceutique. Ce type de vaccin a été choisi en raison des conditions de conservation existant en RDC. Il peut en effet être conservé dans un réfrigérateur dont la température oscille entre 2° et 8° Celsius. Les doses reçues ont été acheminées directement sur la plateforme de Kinkole où il existe une chambre froide. Il s’agit en fait d’un entrepôt logistique moderne aménagé à la périphérique de Kinshasa, mais facile d’accès par la route au départ de l’aéroport de N’Djili. Il n’y a aucun embouteillage de jour comme de nuit sur ce tronçon. Pour ce premier lot, la RDC bénéficie du dispositif Covax, mis en place par l’OMS afin d’aider les pays en développement, africains pour la plupart, à obtenir des doses de vaccins anti-Covid pour leurs populations.
La question qui se pose à ce stade pour la RDC est celle de la communication ou de la sensibilisation d’éventuels bénéficiaires. Certes, les premières doses sont réservées en priorité au personnel soignant. Mais la campagne de vaccination devra tout de même aller au-delà de ce premier cercle consentant ou enclin à l’opération. Or, dans l’opinion, rien n’a été fait pour préparer les esprits. D’autant que certains se demandent toujours si le coronavirus existe bel et bien dans leurs contrées. Il faudra par conséquent déployer des trésors d’imagination pour inciter les Kinois à se faire vacciner. Il en faudra deux fois plus pour convaincre à leur tour les villageois, à l’intérieur du pays, de présenter leur épaule pour recevoir par deux fois une injection censée les immuniser contre le Covid-19.
La Rédaction