RDC : Judith Suminwa Tuluka déroule le programme du gouvernement

Emploi, sécurité, infrastructures, services sociaux de base, services publiques et lutte contre le changement climatique sont les mots clés du programme de léquipe dirigée par Judith Suminwa Tuluka. Le nouveau gouvernement affiche en effet de grandes ambitions dont le financement sera aussi un véritable défi. Un impératif, continuer à bénéficier du soutien du FMI et des bailleurs de fonds.

Plus de cinq mois après la réélection du président Félix Tshisekedi, le nouveau gouvernement dévoilé le 28 mai avec à sa tête la Première ministre Judith Suminwa Tuluka a présenté le 11 juin sa feuille de route devant le Parlement. Sans trop de surprise, ce dernier dominé par la majorité présidentielle valide le Programme d’Action du Gouvernement (PAG) pour la période 2024-2028.

« Notre ambition est de bâtir au cœur de l’Afrique, un Etat plus uni et mieux sécurisé, une économie plus diversifiée et compétitive et une société plus juste pour un développement durable », affirme la Première ministre en préambule. Cette feuille de route ambitieuse s’inscrit dans la continuité des efforts engagés lors du quinquennat précédent, tout en prenant en compte l’analyse de la conjoncture socio-économique actuelle.

Devant la représentation nationale, elle a rendu hommage au président qui a choisi pour la première fois dans l’histoire du pays une femme pour diriger un gouvernent. Elle dit son « immense fierté à l’idée de représenter au sein de la République, l’aboutissement des efforts de tous les Congolais et de toutes les Congolaises tendant à briser le fameux plafond de verre pour produire l’égalité, par la concrétisation du principe de la parité homme-femme dans tous les domaines de la vie de notre société. (…) Aujourd’hui et chaque jour qui passe, je ne cesserai de rendre un vibrant hommage à toutes ces femmes congolaises, de Kimpa Vita à Anuarite Nengapeta, de Sophie Kanza à toutes celles qui, dans l’anonymat, ont marqué l’histoire de notre pays par leur courage, leur détermination et leur engagement en faveur de la justice, de l’égalité et des droits des femmes. »

Les sources d’inspirations

Ce programme de gouvernement s’inspire de plusieurs plans et programmes déjà lancés, comme le Plan National Stratégique de Développement (PNSD) 2024-2028 qui prône une économie diversifiée et inclusive, valorisant les secteurs extractifs et agricoles. Il s’appuie également sur le programme électoral du président Tshisekedi « Allons-y : Unité, Sécurité, Prospérité »,  mais aussi sur des programmes sectoriels en cours comme le Plan National du Numérique et le Plan Directeur d’Industrialisation. Il s’inspire aussi « des différents mémorandums qui m’ont été remis lors des consultations que j’avais organisées à l’Hôtel du Gouvernement avec les regroupements des partis politiques de la Majorité Présidentielle, les Caucus des députés, les Organisations de la Société Civile et du Patronat », précise la Première ministre.

Le PAG

Devant l’Assemblée nationale, elle a dévoilé les six piliers stratégiques d’un programme qui montre de grandes ambitions dans un pays confronté à des défis considérables. Emploi, sécurité, infrastructures, services sociaux de base, services publics et lutte contre le changement climatique en sont les mots clés.

Le premier pilier, priorité des priorités, se concentre sur la création d’emplois et la protection du pouvoir d’achat. Comme tous les autres pays du continent, l’atout de la RDC, la jeunesse de sa population et aussi un défi. Chaque année, l’économie congolaise doit créer en moyenne 1,5 million d’emplois.

Pour un pays immense comme la RDC, le défi de la sécurité, le deuxième pilier, est d’une actualité brulante. « Comme vous le savez, notre pays fait face à une agression étrangère rwandaise qui a forcé des millions de nos concitoyens à fuir leurs foyers, abandonnant tout ce qu’ils avaient pour chercher refuge dans des camps de fortune, dépourvus de toute assistance humanitaire adéquate. Ces hommes, femmes et enfants innocents sont confrontés à des conditions inhumaines, à la faim, à la maladie et au désespoir, alors que nous nous efforçons de trouver des solutions pour répondre à cette crise déchirante », déplore Judith Judith Suminwa Tuluka. Ce deuxième pilier table sur la montée en puissance des forces de défense et de sécurité : et notamment de poursuivre le programme de recrutement au sein de l’armée pour rajeunir les troupes et de doter l’armée d’équipements adéquats.

Dans un pays de 2,3 millions de km², le troisième pilier tombe sous le sens : « l’aménagement du territoire pour une connectivité maximale ». Cela passe par des investissements dans les infrastructures de transport, notamment routières, mais aussi portuaires. Le gouvernement s’engage notamment à réhabiliter et à entretenir 10 000 km de routes de desserte agricole par an.

Les autres piliers visent à améliorer l’accès aux services sociaux de base. Le gouvernement s’engage à rendre l’éducation, la santé, l’eau potable et l’électricité accessibles à tous les citoyens. Un véritable défi tant dans les zones rurales que dans les villes. Cela passe aussi par le renforcement des capacités des services publics, leur efficacité et la transparence pour une meilleure gouvernance. Enfin, le sixième pilier concerne la gestion durable de l’écosystème face aux changements climatiques.

« Ces six piliers permettront, par leurs synergies et leurs effets complémentaires et cumulatifs, d’accélérer le développement économique et social de la RD Congo, affirme la cheffe de gouvernement qui précise que ces piliers se déclinent en 52 axes stratégiques qui correspondent aux différents domaines d’intervention. À leur tour, les 52 axes stratégiques se déclinent en 326 actions ». Un suivi et une évaluation régulière de la mise en œuvre du programme permettront de s’assurer de l’avancement et des correctifs à mettre en place.

Financement

Le coût de ce programme quinquennal est estimé à 93 milliards de dollars, soit 277 066 milliards de francs congolais (CDF). Ce qui représente en moyenne un coût annuel de 18,4 milliards de dollars.

Les trois premiers piliers du programme concentrent à eux seuls 75 % des besoins de financements (30 % pour la création d’emploi et la défense du pouvoir d’achat et 20 % pour la protection du territoire et 25% pour l’aménagement du territoire).

Ce financement proviendra de diverses sources, y compris les ressources étatiques et non étatiques, ainsi que des contributions des provinces et des entités territoriales décentralisées. Les recettes de l’Etat devraient passer de 16 % du PIB en 2024 à 18 % du PIB en 2028. « La mobilisation des recettes par les régies financières sera complétée par des appuis publics des partenaires financiers bilatéraux et multilatéraux, tels que la Banque mondiale, le FMI et la BAD ainsi que par des partenariats publics-privés tels que les versements de la Sicomines dans le cadre du Contrat chinois renégocié, d’environ 324 millions USD par an », précise la Première ministre.

Pour la première fois de son histoire, la RDC est en passe d’achever un programme triennal, soutenu financièrement par le Fonds monétaire international (FMI). Cet accomplissement symbolise un tournant crucial dans la gestion économique du pays, démontrant un engagement renouvelé envers la rigueur budgétaire et les réformes structurelles. Ce succès avec le FMI renforce la crédibilité financière du pays sur la scène internationale et ouvre la voie à de nouvelles opportunités de financement et de partenariats économiques.

Anne Lauris