TOGO : L’opposition les pieds dans le tapis

Réforme du code électoral ouvrant la voie au vote de la diaspora, loi permettant au chef de l’Etat de rester au pouvoir jusqu’en 2030, élections municipales, Haut conseil des Togolais de l’extérieur… le pouvoir mène des réformes tous azimuts grâce à l’Assemblée nationale unicolore issue des législatives de décembre 2018, marginalisant un peu plus l’opposition déjà divisée.

Le président Faure E. Gnassingbé, candidat à sa propre succession.

Le Parlement togolais a adopté, le 5 novembre, une modification de la loi électorale pour permettre aux Togolais de l’extérieur de pouvoir voter aux scrutins nationaux. Votée par une Chambre constituée essentiellement d’élus du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR) et son allié, l’Union des forces de changement (UFC, ancienne opposition), ce nouveau dispositif répond à l’une des revendications de l’opposition lors des gigantesques manifestations de 2017 et 2018 et fait partie de la feuille de route de sortie de crise tracée par la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest). « Il était important de procéder à un léger aménagement du code électoral pour consacrer définitivement et de façon pratique cette nouvelle avancée de notre démocratie. La classe politique la réclamait durant des mois. Aujourd’hui, ce vote le confirme »,  s’est exclamé Aklesso Atcholi, président du groupe Unir à l’Assemblée à l’issue du vote.Pour le ministre de l’Administration territoriale, Payadowa Boukpessi,« tout est prêt pour la poursuite du processus électoral et pour la tenue effective du scrutin présidentiel » de 2020.

Reste que dans le camp adverse, l’accueil du nouveau code électoral est plutôt mitigé. Absente de l’Assemblée nationale pour avoir boycotté les législatives du 20 décembre 2018, l’opposition n’applaudit pas des deux mains bien que le nouveau dispositif fasse partie de ses revendications. « C’est un piège qu’il faudra contourner », avertit la Convention démocratique des peuples africains. L’Alliance nationale pour le changement, la principaleformation de l’opposition,dénonce une modification dans la précipitation du code électoral et des dispositions contraignantes, qui ne permettent pas à un grand nombre de Togolais de l’extérieur de prendre part au scrutin présidentiel de 2020. Et en appelle à une modification de la loi ou à « remettre son entrée en vigueur à plus tard ».Le Comité d’action pour le renouveau estime pour sa partque « les conditions du vote de la diaspora soient assouplies et que les prochains scrutins soient plus libres et transparents ».

Mais le pouvoir n’entend pas faire machine arrière, et poursuit son train des réformes lancées à grande vitesse depuis les dernières législatives. Cinq mois après le début de la nouvelle législature, la réforme sur le mandat présidentiel, qui prévoit le retour à un scrutin à deux tours pour l’élection présidentielle et la limitation du mandat du chef de l’État à cinq ans, renouvelable une fois, est adoptée le 8 mai 2019. Elle avait été bloquée lors de la précédente mandature par l’opposition, qui dénonçait la non-rétroactivité de la loi. En boycottant les débats, elle avait privé le pouvoir des quatre cinquièmes des voix requis pour son adoption. Au pouvoir depuis 2005, Faure Gnassingbé peut désormais, à la fin du mandat actuel, briguer deux autres quinquennats  et rester au pouvoir jusqu’en…2030.Un peu plus d’un mois plus tard, le 30 juin, sans entendre les critiques de l’opposition sur les préparatifs, le pouvoir organise les premières élections municipales du pays depuis 32 ans. Scrutin auquel a pris part cependant l’opposition « pour ne pas rater tous les trains », ironise, sous couvert d’anonymat, un membre de la majorité.« L’opposition a longtemps bloqué, sous des prétextes divers, la mise en place des réformes. Elle n’est plus à l’Assemblée, c’est dommage mais les choses avancent, et elle ne peut plus aller se plaindre auprès de la communauté internationale », ajoute-t-il, avant de se réjouir : « On lui coupe l’herbe sous le pied. En boycottant les législatives, elle s’est marginalisée. »C’est clair, tout indique que le pouvoir n’a plus rien à craindre de l’opposition dite radicale qui,  pour avoir choisi de boycotter les législatives, ne peut plus contrecarrer ses plans. Elle lui a ouvert un boulevard.

 Luc Edoh

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