Première femme à occuper le poste de Premier ministre, Judith Suminwa Tuluka doit faire face à de multiples défis dans une situation complexe.
« J’ai conscience des attentes que peuvent susciter le chômage, la création d’opportunités d’emploi pour les jeunes, les femmes ou encore les personnes vivant avec handicap, l’autonomisation et la promotion des femmes dans notre société, de même que l’inclusion et la protection des personnes les plus vulnérables, tout comme j’ai conscience de vos attentes relatives à l’augmentation du pouvoir d’achat, la stabilité du franc congolais, la création d’une véritable industrie qui pourra concourir à la réduction de la dépendance de notre économie aux importations, notamment celles des biens et des produits de première nécessité (…) Le renforcement de l’Etat dans sa capacité à éradiquer l’activisme terroriste et les groupes armés (…), à protéger avec plus d’efficacité nos frontières, à assurer la défense ainsi que la sauvegarde des intérêts de notre pays partout où ils sont discutés, sont là autant de sujets qui aujourd’hui nourrissent vos préoccupations », a détaillé le président réélu dans son discours de politique générale, posant ainsi les bases de son action au cour des cinq prochaines années. S’engageant « à user de tout ce qui est en mon pouvoir pour que les erreurs du passé ne se reproduisent et pour que les actions nécessaires à l’avancement de notre pays soient promptement prises ». C’est en quelque sorte la feuille de route que devraient suivre la Première ministre Judith Suminwa Tuluka et son équipe. Une tâche immense pour le nouveau gouvernement mis en place plus de cinq mois après la réélection du chef de l’Etat, deux mois après la désignation de celle qui est la première femme à occuper ce poste en RDC.
« Je ne suis pas venue pour m’enrichir, mais plutôt pour travailler. »
Lors de la campagne électorale, le président-candidat Tshisekedi avait demandé aux électeurs de lui accorder un second mandat pour « consolider les acquis ». Si les Congolais lui ont massivement renouvelé leur confiance en l’élisant avec plus de 73% des voix, ce n’est pas pour autant un blanc-seing. Ils ont des attentes sociales, économiques et sécuritaires en retour. Autant de défis à relever pour Judith Suminwa Tuluka, 56 ans, ministre du Plan dans le gouvernement Sama Lukonde 2, après avoir évolué plusieurs années dans divers programmes du système des Nations unies, notamment au PNUD (Programme des Nations unies pour le développement en Afrique), avant dans rentrer dans l’administration publique, au ministère du Budget, en charge de la Cellule du changement du climat des affaires. Lors de sa prestation de serment, le 20 janvier, Félix Tshisekedi a axé son nouveau mandat sur plusieurs priorités résumées à travers six objectifs : « Ce nouveau quinquennat aura pour objectifs de créer plus d’emplois en accélérant la promotion de l’entreprenariat, de protéger le pouvoir d’achat de ménages en stabilisant le niveau de la stabilisation et en maîtrisant le taux de change, d’assurer avec beaucoup plus d’efficacité la sécurité de nos populations, de notre territoire, de nos biens, de poursuivre la diversification de notre économie et d’accroître sa compétitivité, de garantir plus d’accès aux services de base et renforcer l’efficacité des services. » Des travaux d’Hercule que Judith Suminwa Tuluka, diplômée en comptabilité et titulaire d’une maîtrise en économie, en Belgique, est prête à accomplir. « Je suis consciente de la grande responsabilité qui est la mienne et j’ai indiqué au chef de l’État qu’il pouvait compter sur ma loyauté pour l’aider à mener à bien le développement de notre pays. Sur la base de ses engagements pris au moment de son investiture, nous allons travailler pour le pays et son développement. La tâche est grande, les défis sont immenses », a-t-elle déclaré après sa nomination. Décidée à travailler pour le développement du pays, elle assure : « Je ne suis pas venue pour m’enrichir, mais plutôt pour travailler. Mais nous avons besoin de tout le monde pour travailler dans la paix et l’unité. Nous allons travailler pour réussir. Ayez foi, nous devons tous nous sacrifier et ensemble, on va travailler main dans la main. Faites-moi confiance et faites confiance au chef de l’État, tout ira bien. »
A la tête d’une équipe de 54 membres, contre 57 pour le gouvernement précédent, Judith Suminwa Tuluka, originaire de la province du Kongo-Central (sud-ouest du pays), doit faire face à une tâche colossale, car malgré ses immenses richesses en minerais, tout dans ce pays continent de plus de 2,3 millions de kilomètres carrés, pour une population d’environ 102 millions d’habitants dont près de 62 % vivraient avec moins de 2,15 dollars par jour en 2022, selon la Banque mondiale, les priorités sont partout et« même les priorités demandent à être priorisées », selon la formule de l’ancien archevêque burkinabè Paul Ouédraogo.
Améliorer la situation sécuritaire et…
L’une de ces priorités reste la situation sécuritaire dans l’est du pays où sévissent des groupes armés depuis des décennies. En 2019, le président congolais avait promis de mettre fin aux violences dans l’est du territoire. « Je suis prêt à sacrifier ma vie pour que la paix revienne », avait-il déclaré à l’époque. Cinq ans plus tard, la situation, loin de s’améliorer, s’est aggravée. Elle a même franchi, ces derniers mois, une nouvelle étape avec l’intensification des violences des groupes armés, en particulier du M23, rébellion soutenue par le Rwanda, même si celui-ci dément toute implication dans ce qui se passe sur le territoire congolais. En visite début février dernier en RDC, le chef des opérations de paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, a jugé « la situation dans le Nord-Kivu très préoccupante », avec des conséquences humanitaires catastrophiques. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le nombre des déplacés internes dans le pays a atteint 6,9 millions en octobre 2023.Toutes les stratégies militaires, politiques et autres mises en œuvre par le chef de l’Etat au cours du précédent quinquennat n’ont pas permis de stopper la descente aux enfers des populations de l’est du pays et sa balkanisation. « Mes pensées vont à l’Est, dans tous les coins du pays qui sont confrontés aujourd’hui à des conflits face à des ennemis qui sont parfois cachés, qui ne se révèlent pas, mais que l’on trouvera, que l’on va pourchasser d’une manière ou d’une autre », a promis la cheffe du gouvernement.
…socio-économique
Dans le même temps, la nouvelle locataire de la Primature doit répondre rapidement à une autre préoccupation des Congolais : la situation socio-économique du pays. Malgré les diverses mesures prises sous les gouvernements précédents pour assainir la situation économique, le pouvoir d’achat et la qualité de vie des Congolais restent dérisoires avec une inflation qui reste très élevée (autour de 20%), une dépréciation constante du franc congolais par rapport au dollar, alors que les prix des produits de première nécessité continuent de grimper, le déficit d’infrastructures de transport reste toujours criard et la bureaucratie omnipotente engloutissant une part importante du budget de l’Etat. « Je suis consciente de la grande responsabilité qui est la mienne », a reconnu la Première ministre lors de sa nomination. Celle qui compte « faire de la République du Congo la locomotive du développement de toute l’Afrique » peut compter sur la bonne croissance économique qu’affiche actuellement le pays. Selon le Fonds monétaire international, la RDC était le deuxième pays à afficher, l’an dernier, une croissance économique à 6% en Afrique subsaharienne, et classée dans le top 10 des économies africaines à plus forte croissance en 2024 par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).
La Rédaction