« Nul n’est prophète en son pays », dit l’adage populaire. Il a fallu que le président malgache, Andry Rajoelina, fasse la promotion d’une potion à base d’artemisia pour lutter contre le Covid-19 dans son pays, pour que le nom du docteur Jérôme Munyangi remonte enfin à la surface, et que les autorités de son pays cherchent à faire revenir au bercail celui qui, l’an dernier pourtant, n’a dû sa survie qu’à une exfiltration, via la Centrafrique, grâce notamment à une aide française. Âgé de 36 ans, diplômé en médecine à l’Université de Kinshasa, le jeune chercheur travaille depuis plusieurs années sur le traitement du paludisme à base d’une plante, l’artemisia, dont il a alerté les Africains sur les vertus thérapeutiques. Il conseillait alors à ses malades atteints du paludisme de prendre une tisane à base de cette plante. Un traitement alternatif aux produits des grandes industries pharmaceutiques. C’est alors que les ennuis commencent pour Jérôme Munyangi. Arrestations, détentions, empoisonnement ou tentative d’empoisonnement, etc., rien ne lui est épargné. Il est combattu par des forces et des intérêts obscurs. D’aucun ont cru voir la main invisible de certains grands groupes pharmaceutiques, d’autres ont reconnu la manière de faire des importateurs de médicaments contrefaits chinois, indo-pakistanais ou les intrigues du représentant d’une agence onusienne, entre autres. Toujours est-il que le scientifique, qui dérangeait a pu quitter le pays et s’est vu accorder, mi-2019, le statut de réfugié politique en France où une nouvelle vie commence pour lui.
Par le truchement de son conseiller spécial en charge de la Couverture maladie universelle(CMU), Roger Kamba, le président Félix Tshisekedi a pris langue avec le Dr Munyangi. Les vidéos de ce dernier sont devenues virales sur les réseaux sociaux, notamment dans la diaspora africaine. Une invitation en bonne et due forme a finalement été adressée au chercheur par le chef de l’Etat congolais. Son statut de réfugié politique l’ayant privé de son passeport congolais, l’ordre a été donné à la représentation diplomatique de la RDC dans la capitale française de lui délivrer, illico presto, un laissez-passer tenant lieu de passeport en vue d’un déplacement imminent vers Kinshasa. Mais le docteur n’aura pas droit à un voyage en jet privé. Il devra toutefois attendre un peu pour faire partie du groupe des Congolais bloqués sur le territoire français en raison de la fermeture des frontières. Selon un diplomate en poste à Paris, la ministre des Affaires étrangères subit actuellement d’énormes pressions pour organiser rapidement un vol de rapatriement pour ce groupe en direction de la capitale congolaise. Mais le médecin-chercheur fait part de quelques inquiétudes en ce qui concerne sa sécurité lors de son séjour sur le sol congolais. Et pour cause, les mauvais traitements subis lors d’une séquestration ou d’un emprisonnement sont encore vivaces dans sa mémoire.
En attendant le retour au bercail, Jérôme Munyangi est devenu la vedette de plusieurs émissions de « webtélé »qu’il met à profit pour faire de la vulgarisation scientifique en direction des Africains, sur le continent ou disséminés à travers le monde. Il a par exemple participé, samedi 25 avril – pour la Journée mondiale du paludisme –, à un «Webinaire» qui a connu la participation de 345 personnes, dont plusieurs médecins. Au menu : l’artemisia. Plus que jamais, le docteur vante l’efficacité en préventif et en curatif de cette plante face au paludisme. Pour lutter contre le Covid-19, le chercheur congolais conseille d’utiliser plutôt l’artemisia annua (une variété chinoise) jugée plus efficace que l’artemisia afra (disponible en Afrique). Celui qui a récemment déclaré, lors d’un entretien, ne pas se battre « contre les laboratoires pharmaceutiques, mais pour que tout le monde ait accès à des soins de qualité », a par ailleurs profité de ce “Webinaire” pour indiquer qu’il est à la recherche de 32 000 euros pour mener à bien des recherches sur le phénomène de résistance, qui menace à la longue de rendre inefficace toute solution miracle face au parasite de la malaria. Son objectif ? Démontrer à la face du monde, et surtout aux yeux des experts sceptiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), que ce risque de résistance n’existe pas à long terme. Aujourd’hui, le chercheur congolais caresse le rêve de voir le produit issu de l’artemisia devenir enfin le remède miracle pour enrayer le parasite du paludisme et…le coronavirus.
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