À en croire les déclarations des uns et des autres, ce 1er juillet 2021 est en effet entré dans les annales du pays : le Parlement a enfin adopté une réforme du secteur pétrolier après des années de tergiversations. Pour le porte-parole du Sénat, Ola Awoniyi, c’est simplement un « moment historique ». Le président de l’Assemblée nationale, Femi Gbajabiamila, s’est félicité, lui, d’une « importante victoire », insistant qu’« il faut souligner comme cette journée est importante ». Et pour cause ! Initié par le président UmaruYar’Adua, arrivé au pouvoir en 2007, le projet de réforme du secteur pétrolier a été soumis une première fois à l’Assemblée nationale en 2008. La réforme, qui devait déboucher sur une loi —New Petroleum Industry Bill, plus connue sous le sigle PIB —, prévoyait d’importants changements dans la gestion, réputée opaque et inefficace, de la très lucrative industrie pétrolière. En clair, il s’agit de scinder la compagnie pétrolière nationale, la NNPC (Nigeria National Petroleum Corporation) en plusieurs entités indépendantes et de réformer la législation pétrolière pour réguler les relations entre le Nigeria et les multinationales.
Sauf que ce second volet du projet de loi proposé par le chef de l’Etat n’est pas bien vu par les majors. Se montrant réticents envers certains changements contenus dans le PIB, en particulier le domaine touchant à la fiscalité. Malgré les nombreuses discussions entre les diverses parties pour arrondir les angles, le projet n’a pu être adopté par le Parlement nigérian. Et semblait (presque) définitivement enterré avec le décès, des suites de maladies cardiaques, du président Yar’Adua en 2010. Malgré quelques petits réajustements du texte, le successeur du défunt président, Goodluck Jonathan (2010-2015), n’a pas réussi non plus à faire entériner la réforme d’un secteur pétrolier considéré comme « vache à lait et caisse noire » des régimes successifs. Et « véritable sanctuaire de la corruption», observe un analyste pétrolier.
NNPC, sanctuaire de la corruption
Cette situation est à l’origine de la frustration d’une partie de la population nigériane, notamment celle du delta du Niger d’où provient la quasi-totalité de la production pétrolière. Plusieurs groupes rebelles sévissent dans la région pour réclamer une plus juste répartition des retombées du pétrole. Ces groupes mènent régulièrement des attaques contre les infrastructures pétrolières, faisant perdre des milliards de dollars de recettes au pays chaque année. Selon une étude des Nations unies, le Nigeria a perdu, en 2018, 2,8 milliards de dollars de recettes liées en grande partie aux attaques sur les installations pétrolières.
La nouvelle réforme prévoit une meilleure redistribution des richesses, notamment entre les communautés du delta qui réclament 10% de la manne pétrolière, au lieu des 2,5% prévus par le projet. Les discussions sont toujours en cours entre le Parlement et les différentes communautés, alors que la transformation de l’omnipotente Nigerian National Petroleum Corporation en société commerciale semble acquise. Avec le PIB, le premier producteur de pétrole d’Afrique avec 1,9 million de barils exportés par jour, entend mettre de l’ordre dans un pan de son économie gangrené par la corruption et attirant peu d’investisseurs malgré des réserves immenses. La nouvelle loi arrivera-t-elle pour autant à booster un secteur d’où ce pays de 219 millions d’habitants tire plus de la moitié de ses revenus et 90% de ses recettes d’exportation, mais en berne depuis plusieurs années ? Selon plusieurs experts, la loi met fin, certes, à l’incertitude règlementaire qui a longtemps découragé les investisseurs, mais la situation sécuritaire reste le plus gros problème.
La Rédaction