La scène se passe le 24 janvier 2019, jour d’investiture de Félix Tshisekedi, proclamé vainqueur de la présidentielle de décembre 2018, pour succéder au président sortant Joseph Kabila. Une cérémonie qui, d’ordinaire sur le continent, rassemble un parterre de chefs d’Etat. Mais ce jour-là, seul le président kényan Uhuru Kenyatta, sur les dix-sept chefs d’État invités, a fait le déplacement de Kinshasa. Tous les autres dirigeants africains ont dépêché des représentants dans la capitale congolaise. Même le voisin le plus proche, de l’autre côté du fleuve Zaïre, le Congolais Denis Sassou Nguesso, s’est fait représenter par son ministre des Affaires étrangères. Une situation due à la contestation des circonstances de l’élection du nouveau chef de l’Etat congolais par l’Union africaine, mais également à l’isolement diplomatique dans lequel le pays est plongé sous la présidence de son prédécesseur. Depuis, les choses ont bien changé. Le nouveau chef de l’Etat a marqué la rupture avec celui-ci en déployant une hyperactivité diplomatique pour replacer son pays sur la scène internationale. Moins d’un mois après son arrivée à la tête de l’Etat, Félix Tshisekedi a présenté, le 15 février 2019, les grands axes de la politique étrangère qu’il entend mener, dont « les principes de base demeurent les mêmes depuis l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale en 1960, à savoir, le bon voisinage, la vocation africaine, l’ouverture au monde sans exclusive, la coopération internationale et régionale mutuellement avantageuse et le règlement pacifique de différends ». En insistant, pour ce qui concerne l’échelle régionale, sur « le non recours à la force et à la condamnation des changements anticonstitutionnels, du respect de l’intégrité territoriale des Etats, de l’indépendance politique et de la souveraineté nationale, de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, du neutralisme politique et de la non-discrimination ».
Pays-continent, qui partage ses frontières avec neuf pays, la République démocratique du Congo (RDC) a toujours aiguisé les appétits de ses voisins à cause de ses immenses richesses minières et autres, qui ont de tout temps alimenté les interminables foyers de tensions que connaît l’ancien Congo belge. « Notre pays a toujours été un centre d’enjeux planétaires qui le dépassent, au point que c’en est devenu son ADN, la source de ses joies et ses peines. C’est pourquoi, tirant les leçons de l’histoire, j’ai résolument engagé la République dans la voie de l’ouverture internationale, dans l’unique but de préserver les intérêts supérieurs de mon pays et de mon peuple », a encore rappelé, le 29 juin dernier, Félix Tshisekedi dans un message à l’occasion du soixantième anniversaire de l’accession à l’indépendance du pays. Ajoutant que « le problème majeur et structurel de notre pays par rapport au reste du monde est le fait que nous sommes et nous représentons une solution pour beaucoup de pays. Qu’il s’agisse de l’eau, de l’énergie, de la forêt, de l’espace vital ou des ressources géologiques. Si nous ne maîtrisons pas les problèmes nés de cette relation de convoitise, en créant l’interdépendance symbiotique avec tous les Etats, le risque est grand pour la RDC de subir la loi du plus fort. Il y aurait donc risque que l’usage et le bénéfice de ces richesses continue de nous échapper dans une certaine mesure ».
Une vision partagée également par Claude Ibalanky Ekolomba Ben Baruch, coordonnateur du Mécanisme national de suivi (MNS) destiné à superviser la mise en œuvre des engagements souscrits aux termes de l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RD Congo et la région des Grands Lacs, signé le 24 février 2013 par neuf pays qui partagent les frontières naturelles et artificielles avec Kinshasa, y compris l’Afrique du Sud. Pour l’ancien conseiller spécial de Félix Tshisekedi, alors leader de l’UDPS, « la diplomatie régionale de la RDC relève de l’ouverture. Il s’agit de dialoguer avec nos partenaires, particulièrement ceux de la région, en vue de nous comprendre, et d’affermir la confiance mutuelle au bénéfice de la coopération du type gagnant-gagnant ». Intervenant le mois denier lors d’un forum organisé à l’occasion de la fête de l’indépendance, qui portait sur des thèmes tels que « 60 ans après, quelle diplomatie régionale pour la RDC dans la gestion des conflits de Grands Lacs ? », il s’est dit «persuadé que la RDC est sur la bonne voie pour relever les défis sécuritaires, pour revenir au cœur du jeu de l’équilibre régional, en revendiquant le statut d’interlocuteur, à force des propositions pertinentes de meilleure gestion des conflits dans la région des Grands Lacs. La RDC a aujourd’hui un rôle continental à assumer pleinement. Ceci constitue une heureuse opportunité pour renforcer la dynamique positive de paix dans la région des Grands Lacs inhérente à l’alternance politique en RDC ».
Moins de deux ans après son accession au pouvoir, le président Félix Tshisekedi a réussi la prouesse de replacer la RDC au-devant de la scène régionale. « En prouve la facilitation que le Président de la République offre, conjointement avec son homologue angolais, pour réconcilier l’Ouganda et le Rwanda. Nul n’ignore les influences de ces deux derniers pays sur certains groupes armés actifs dans l’Est du pays », relève le patron du MNS. L’an prochain, le chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi, devrait assurer la présidence de l’Union africaine. Une position et une exposition médiatique qui aideront certainement à renforcer sa stature présidentielle et, par conséquent, son rôle dans la région.
La Rédaction