L’ambiance a été survoltée toute la journée d’hier au Palais du peuple qui abrite le Parlement. Une chose impensable il y a encore un mois s’est toutefois produite dans la soirée. En effet, le bureau de la chambre basse dudit Parlement a été balayé après un vote à suspense. Le président par intérim du parti présidentiel, l’UDPS, le bouillant Jean-Marc Kabund a réussi son coup en « exécutant » proprement la présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda. Cette dernière est donc déchue du perchoir par une majorité de 281 députés contre 200 qui ont voté pour sa destitution après le dépôt samedi dernier d’une pétition demandant son départ. « C’est clair, lisse et sans bavure », exulte de son côté un conseiller à la Présidence de la république. Certes, Jeanine Mabunda en personne s’est présentée devant ses collègues accompagnée notamment de plusieurs caciques du PPRD, le parti créé par Joseph Kabila. Mais la digue a fini par céder, et certains députés pourtant estampillés FCC, la plate-forme pro-Kabila, ont apporté leurs voix à quelque 200 pétitionnaires. Le reste du rassemblement kabiliste est aujourd’hui touché par les inondations. La maison commune menace de s’écrouler. Joseph Kabila doit lui-même maintenant lutter pour sa survie politique.
Quant à l’ancien vice-président de la chambre basse du Parlement, Jean-Marc Kabund, il prend ainsi sa revanche sur l’élue kabiliste qui l’avait évincé auparavant du bureau de cette institution. Il apporte ce matin le scalp de Jeanine Mabunda aux combattants et aux « parlementaires debout » de la 10ème rue, à Limete, au siège kinois de l’Union pour la démocratie et le Progrès social (UDPS). C’est donc la fin de partie pour Jeanine Mabunda dont l’élection avait pourtant suscité beaucoup d’espoirs chez les femmes congolaises et été saluée par la communauté internationale. Un prix lui a même été décerné au début de cette année à Paris. Mais l’expérience a tourné court. Les griefs retenus à son encontre sont tellement nombreux. « Elle n’a pas recherché le consensus », reproche un député. Un autre ajoute aussitôt après : « Mabunda n’a pas su gérer le bureau et les deniers de l’Assemblée en bon père de famille. » Espérons que les choses en resteront là pour elle. Car un éventuel audit des comptes de l’Assemblée nationale pourrait également révéler des surprises désagréables et donner lieu à des poursuites devant la justice.
Reste que la chute du bureau de l’Assemblée nationale a sonné l’hallali du système kabiliste. Un autre bureau pro-Tshisekedi cette-fois-ci devrait logiquement lui succéder. Si tout se déroule bien, une motion de censure devrait suivre pour faire tomber le gouvernement, au cas où le Premier ministre, le Pr Ilunga Ilunkamba, n’aurait pas pris les devants en démissionnant rapidement. Ensuite, le président Félix Tshisekedi, qui a annulé hier jeudi sa venue au Forum économique Makutano pour suivre de près les travaux en plénière de la chambre basse du Parlement, aura les coudées franches pour confier à une personnalité de la coalition en gestation une mission d’information. Cette dernière aura à son tour deux mois au maximum pour identifier au sein de l’organe législatif une nouvelle majorité prête à adhérer à la vision du chef de l’Etat congolais. Une fois cette étape franchie, Félix Tshisekedi pourra alors conclure un accord de gouvernement avec ses futurs alliés, à savoir : Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, le Pr Modeste Bahati, François Rubota, Jean-Pierre Lihau, Pius Muabilu, etc. Les rôles dans la nouvelle configuration voulue par Félix Tshisekedi seraient même déjà répartis entre ces différentes personnalités. Le chef de l’Etat pourra alors apporter une touche finale à son œuvre en nommant un Premier ministre issu de la coalition en gestation. Ce dernier sera alors investi par les députés lors de la session parlementaire de mars prochain.
Entre-temps Félix Tshisekedi aura pris le flambeau de la présidence tournante de l’Union africaine lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement prévu en février 2021. Il a donc intérêt dès maintenant à apaiser les esprits dans son pays et à y normaliser le fonctionnement des institutions. S’il parvient à dénouer dans deux ou trois mois la crise institutionnelle qui sévit encore en RDC, le feu qui menace d’embraser le pays prendrait alors les allures d’un simple feu de paille.
La Rédaction