RDC : Vente aux enchères de la résidence de l’ambassadeur en France

La résidence officielle de l’ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) en France a été vendue le 17 décembre aux enchères en exécution d’une décision de justice. Telle est la nouvelle qui a commencé à circuler, dès le 20 décembre, au sein de la communauté congolaise en région parisienne et surtout sur les réseaux sociaux. Comment en est-on arrivé là ? La RDC peut-elle redorer son image dans la capitale française ?

Un bien immobilier appartenant à l’ambassade congolaise à Paris et composé de deux appartements jumelés a fait l’objet d’une saisie judiciaire suivie d’une vente aux enchères. Laquelle s’est déroulée le 17 décembre dernier. « Une honte pour toute la nation », ont alors réagi en chœur les internautes en partageant massivement  un tweet qui parlait de l’opération sans plus de détails. « Ce sont toujours des nouvelles qui ternissent l’image de la République, s’emporte de son côté un éminent avocat  kinois. Il est évident qu’il n’y a pas eu de suivi judiciaire méticuleux dans cette affaire. » Et de s’interroger : « Où étaient les avocats de la RDC ? » En fait, la situation est beaucoup plus complexe que cela. Pour la décanter, il faut remonter à la genèse de cette affaire rocambolesque.

Tout commence par la plainte, il y a longtemps à Kinshasa, d’un couple franco-libanais contre l’Etat congolais. L’affaire concerne notamment l’Office des biens mal acquis (OBMA), créé du temps du défunt président Laurent-Désiré Kabila. Antoine Lahoud et sa femme gagnent alors le procès dans la capitale congolaise. Une condamnation est aussitôt prononcée par un juge du Tribunal de grande instance de la Gombe. Aujourd’hui, la somme que le couple réclame à l’État congolais atteint la bagatelle de 2,8 millions d’euros. Le montant est certes élevé par les temps qui courent mais reste tout de même supportable pour les finances publiques. Ne voyant venir aucun règlement à l’époque des faits, Antoine Lahoud finit par porter l’affaire devant un tribunal arbitral de New York, aux Etats-Unis, où il obtient à nouveau gain de cause. Une sentence favorable est prononcée, mais l’Etat congolais, sans doute par négligence,tarde à s’exécuter. A ce stade de la procédure, Paris n’est encore en rien concerné par cette affaire judiciaire. Etant également français, le couple Lahoud se tourne vers l’Hexagone pour obtenir l’exequatur pour la saisie de la résidence de l’ambassadeur, sise 49 rue de Chantenay à Antony, dans le département des Hauts-de-Seine, en région parisienne.

Mais lors d’un procès au premier degré, le vaste appartement visé par le couple Lahoud est d’abord déclaré insaisissable par la justice française, au grand soulagement du personnel de l’ambassade. Et pour cause, le bien a été déclaré auprès du ministère français des Affaires étrangères (le Quai d’Orsay) comme la résidence officielle de l’ambassadeur de la RDC en France. La stricte application de la Convention de Vienne de 1961 met du coup ce logement à l’abri d’une saisie. Mais le créancier de L’État ne s’avoue pas vaincu. Il fait appel de la décision et la justice se prononce cette fois-ci en faveur d’une saisie. Munis d’un document autorisant la vente aux enchères de l’appartement, les Lahoud s’organisent. Des huissiers se présentent le 3 décembre à Antony pour procéder à l’état des lieux du bien immobilier. « Mais ils n’ont pas eu accès à l’appartement », confie un diplomate qui est au fait du dossier. Et d’ajouter que le Quai d’Orsay a aussi confirmé de son côté que l’appartement jouissait bien des immunités diplomatiques requises. Mais rien n’y fait. Au ministère français de la Justice, la perception est plutôt différente. « Les juges sont probablement persuadés qu’il y a un manque de volonté du côté de L’État congolais pour clore ce dossier », souffle un professeur de droit à l’université de Kinshasa (Unikin), habitué aux litiges de ce type en France.

Il faut aussi reconnaître que le couple Lahoud tente depuis le début de trouver une solution à l’amiable avec L’État congolais. Peu avant la vente aux enchères, il a exigé le paiement d’un acompte de 400 000 euros pour arrêter la procédure. Finalement, les deux parties  s’accordent sur le versement d’un montant  initial de 200 000 euros et  14 000 de frais en sus. A Kinshasa, on semble enfin se réveiller. Le ministère congolais de la Justice écrit au Premier ministre, Ilunga Ilunkamba. Une copie du courrier est même envoyée à Paris. Il y est question de payer d’abord 250 000 euros. « Kinshasa nous a alors rassurés », explique un diplomate congolais. Me Aimé Kilolo, un des conseillers du Premier ministre, est notamment chargé du suivi du dossier, notamment avec le ministère des Finances. « Ce dernier nous dit qu’ils ont déjà disponiblisé les 250 000 dollars. On ne parle plus d’euro mais de dollar. Et on était à une semaine de l’opération de vente », précise le même diplomate. Antoine Lahoud se dit même prêt à se rendre à Kinshasa au cas où la délégation attendue à Paris ne parvient pas à obtenir le visa d’entrée en France. Mais, curieusement, Kinshasa ne répond plus au téléphone. Silence radio. L’ambassade n’a plus d’interlocuteur. La rédaction d’Enjeuxafricains a de son côté tenté d’en savoir davantage du coté de la Primature. Sans succès malgré une relance. On n’a pas réussi à savoir si les 250 000 dollars sont toujours disponibles à ce jour. Et, surtout, où se trouvent-ils ?

Entre-temps à Paris, ce qui devait arriver finit par arriver : le double appartement est vendu aux enchères le 17 décembre et adjugé au prix de 510 000 euros, au grand dam du personnel de l’ambassade. Eux ne baissent pas les bras. Deux jours après, leur chef actuel, le chargé d’affaires par intérim, publie un communiqué de presse. On y apprend que la RDC s’est pourvue en cassation depuis mai 2020. Malheureusement, le pourvoi en cassation n’a pas eu pour effet de suspendre l’opération de cession dudit appartement. Selon un diplomate, l’avocat des époux Lahoud a toutefois prévenu tous les enchérisseurs : « Vous achetez ce bien immobilier à vos risques et périls car il est occupé par un agent diplomatique (*).» En clair, ce dernier sera difficile à déloger ! Dans son communiqué, le chargé d’affaires par intérim rappelle pour sa part que l’arrêt de la cour d’appel a été rendu au mépris des dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques prévoyant les principes de l’inviolabilité et de la protection des locaux d’une mission diplomatique ainsi que la demeure privée d’un ambassadeur ».

Aujourd’hui, les contacts ne sont pas complètement rompus entre les deux parties. Une solution à l’amiable est encore envisageable. D’autant que le Franco-Libanais Antoine Lahoud cherche toujours à négocier avec L’État congolais. Pour Kinshasa, il est encore temps de trouver une solution définitive et de régler le problème comme le ferait n’importe quel État digne de ce nom. Il y va de l’honneur de tous les Congolais résidant en France, mais aussi de la nation entière. D’autant que ce n’est pas la première fois que la représentation diplomatique congolaise dans la capitale française défraie la chronique. A bon entendeur…

La Rédaction

(*) Par agent diplomatique, entendez l’ambassadeur et les autres diplomates dont la demeure privée jouit de mêmes immunités que les locaux de la mission. Et ce, aux termes des articles 1er, 22 et 30 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961.