Bien que contesté par une partie des secrétaires nationaux, c’est bien Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, qui a convoqué, lundi soir, une réunion avec plusieurs sénateurs du parti au pouvoir et des partis alliés. Au menu notamment : la désignation du candidat du parti présidentiel à la présidence du Sénat.
L’UDPS veut à tout prix prendre la présidence de la Chambre haute du Parlement. Le parti compte en effet quinze sénateurs sur la centaine qui siège pour l’instant au Palais du peuple. Il revendique le plus grand nombre de sénateurs si l’on prend aussi en compte certains indépendants et les élus appartenant à une mosaïque de partis alliés. Convoquée à 20h30, la réunion a pris fin peu avant 2h du matin, dans la nuit de lundi à mardi. Un autre membre du présidium de l’Union sacrée, la majorité présidentielle, était assis aux cotés d’Augustin Kabuya. Il s’agit du patron de l’AFDC, Pr Modeste Bahati. Ce dernier a présidé le Sénat de mars 2021 à février 2024. Après avoir échoué aux primaires de l’Union sacrée pour prendre le perchoir de l’Assemblée nationale, cet universitaire a ensuite opté pour le Sénat dont il vise désormais la deuxième vice-présidence. Son cas ne pose pas de problème particulier à l’UDPS, qui n’alignera donc pas de candidat face à lui. Modeste Bahati a même déposé sa candidature plus tôt dans la journée de lundi. Le dépôt des candidatures s’étend jusqu’à ce mardi.
Deux candidats à la candidature étaient en lice côté UDPS : Jean-Paul Boketsu Bofili pour le Grand Equateur et Afani Idrissa AMangala pour le Grand Kivu. Après plusieurs heures de discussions, c’est l’élu du Maniema qui a été retenu et sera proposé à l’Union sacrée pour être porté à la tête du Sénat. N’ayant pas eu de ressortissant du Maniema au gouvernement, cette province, qui fait partie du Grand Kivu, ferait plus que se rattraper si son ancien gouverneur intérimaire, Afani Idrissa Mangala, réussissait à se faire élire à la présidence de la Chambre haute du Parlement. Etant de l’UDPS, ce dernier a toutes les chances d’y parvenir. Reste à convaincre les alliés au sein de l’Union sacrée.
Contrairement à ce qui s’est répandu sur les réseaux sociaux, le sénateur Roger Tshisekedi ne s’est jamais porté candidat à la candidature pour la présidence du Sénat. Le frère du chef de l’Etat a bel et bien participé à la réunion de l’UDPS. « Roger Tshisekedi a fait savoir bien avant que cela ne l’intéressait pas », confie un sénateur. Et ce dernier d’ajouter : « Qu’auraient dit l’opposition et la communauté internationale si un frère du chef de l’Etat devenait son remplaçant à la tête du pays en cas d’empêchement ? » Roger Tshisekedi s’est, quant à lui, montré lucide et n’a pas cherché à alimenter les rumeurs les plus folles sur l’état de santé de son frère. « Cela devrait plutôt rassurer les Congolais sur la suite du quinquennat », confie le même sénateur. En RDC, comme dans beaucoup de pays africains ou occidentaux, le président du Sénat est le deuxième personnage de l’Etat et remplace le président de la République en cas d’empêchement ou de vacance du pouvoir.
Pour faire élire haut la main son candidat, l’UDPS entreprend d’imposer son choix aux autres membres de l’Union sacrée. Mais il lui faut surmonter plusieurs difficultés. La première s’appelle Jonas Mukamba. Agé de 93 ans, ce Kasaïen a été élu à la surprise générale sénateur dans le Grand Equateur. Il aimerait bien présider le Sénat pour le compte de cet espace géographique et du regroupement FPAU. Augustin Kabuya se serait chargé de lui demander de retirer sa candidature déjà déposée lundi. N’ayant pas de troupes derrière lui, « Papy ne fera pas de la résistance », croit savoir un sénateur membre de l’Union sacrée. Selon les confidences du même élu, Jonas Mukamba n’a pas prévu de faire plus de deux ans à la tête du Sénat s’il était élu. Un plan rejeté catégoriquement par les dirigeants de l’UDPS, qui veulent sécuriser la présidence du Sénat jusqu’à la fin de la législature.
Un autre obstacle – beaucoup plus costaud celui-là – se nomme Jean-Michel Sama Lukonde. L’ancien Premier ministre a évité le piège d’un consensus préalable au sein de l’Union sacrée en déposant, hier, sa candidature en indépendant. Il ne se présente même pas au nom de son regroupement « Agissons et bâtissons». Il est toutefois soutenu par plusieurs élus du Grand-Katanga. Veut-il rééditer l’exploit d’être élu à la tête du Sénat comme l’a fait Léon Kengo wa Dondo le 11 mai 2007 ? Ce jour-là, contre toute attente, cet ancien Premier ministre du maréchal Mobutu l’a emporté face à Léonard She Okintundu, alors candidat de la majorité présidentielle et soutenu par le chef de l’Etat de l’époque, Joseph Kabila ? Sama Lukonde peut certes mettre le paquet pour convaincre aussi les sénateurs de l’Ouest de voter pour lui, mais il n’est pas de l’UDPS.
Ceux qui le soutiennent, à commencer par un dirigeant de son camp, Dany Banza, disent que le président Tshisekedi lui a promis la présidence du Sénat lors de son dernier séjour à Lubumbashi. A l’UDPS, on ne l’entend pas de cette oreille. Là encore, Augustin Kabuya a reçu la mission de proposer la première vice-présidence du Sénat à l’ancien DG de la Gécamines. Quelle sera alors sa réponse ? En cas de refus, la candidature de l’ancien chef du gouverneur peut-elle être rejetée par la commission, qui examinera tous les dossiers avant validation ? « Il ne faut rien exclure », prévient déjà un sénateur du Grand Equateur. Tout est donc possible, y compris le fait de voir l’Union sacrée aller à cette élection en ordre dispersé. Que ce soit Idrissa Mangala ou Sama Lukonde, tous deux swahiliphones, la majorité présidentielle est déjà assurée de garder la présidence du Sénat. D’autant que les vingt-six sénateurs indépendants ne se rangeront pas du côté de l’opposition, faiblement représentée. La répartition des postes à pourvoir, samedi 10 août, est déjà connue : six pour l’Union sacrée et un seul (de rapporteur adjoint) pour l’opposition.
François Katendi