RDC : Mobilisation optimale des recettes de l’Etat

Créer un Etat de droit en matière fiscale en vue de combattre le coulage des recettes, la corruption, le clientélisme, les détournements des deniers publics, tel est l’objectif du ministère des Finances en lançant FinAlerte.

Depuis son arrivée au pouvoir, le président congolais, Félix Tshisekedi, n’a de cesse de tout mettre en œuvre pour assainir le secteur des finances publiques pour mieux renflouer les caisses de l’Etat. Mais, dans un pays où corruption et fraude sont monnaie courante, où, comme le disent les Congolais, « dribbler l’Etat » est un sport favori, les résultats sont en dessous de ceux escomptés. L’Etat peine à parvenir à une « mobilisation optimale des recettes publiques, gage de notre indépendance financière », a souligné le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, lors de la mise en place d’un nouveau dispositif, FinAlerte, destiné à lutter contre les pertes et fuites des ressources publiques.

Lancé le 7 février, FinAlerte rend désormais possible, à« toute personne physique ou morale, toutes nationalités confondues, victime ou témoin, d’entrer directement en contact avec le ministre des Finances pour dénoncer les cas de fraude douanière et/ou fiscale, de détournements des deniers publics, d’évasion fiscale, de concussion, ou toute autre tracasserie financière et/ou administrative en vue de contribuer à l’harmonisation du climat des affaires qui demeure aujourd’hui délétère dans le contexte de la République démocratique du Congo », a expliqué Nicolas Kazadi. Pour l’argentier congolais, il s’agit, en lançant FinAlerte, de traduire dans les faits, « notre ferme volonté de créer un Etat de droit en matière fiscale, en vue de combattre le coulage des recettes, la corruption, le clientélisme, les détournements des deniers publics et toutes sortes de tracasseries financières dans notre pays ». Il n’en faut pas plus que d’aucuns crient à l’appel à la délation.« Je sais que dans le contexte actuel dans notre pays, où on a intériorisé le réflexe dangereux de tout mettre en doute, de rester sceptique, souvent sans raison valable, il n’est pas facile de comprendre l’importance de notre démarche », a répondu en substance le grand argentier congolais. Ajoutant : « Nous allons travailler en toute transparence avec les dirigeants de nos régies financières pour que ça guide également notre action dans la réforme de ces régies, notre action politique, notre action de service clientèle parce que même si nous sommes un service méchant (parce que prélever les impôts n’a jamais été gentil), nous avons quand même l’obligation d’assurer une qualité de relation clientèle tout à fait différente de ce que nous avons connu dans le passé dans ce pays. »

Promouvoir la bonne gouvernance pour le bien de tous 

Après l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC), en charge de la « prévention et de la lutte contre la corruption, la fraude, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en République démocratique du Congo », initiée en mars 2020 par le président Tshisekedi, la création de l’application FinAlerte constitue une étape importante dans le cadre des efforts que fournit le gouvernement pour instaurer une nouvelle culture fiscale, gage de la croissance économique. L’objectif ultime étant celui de «promouvoir la bonne gouvernance pour le bien de tous ». Pour le patron de l’Inspection générale des finances (IGF), Jules Alingete Key, « entre 30 % et 40 % de nos recettes partent en fumée ». C’est le cas, par exemple, dans le domaine des compensations et exonérations douanières accordées aux sociétés, notamment minières,qui ont causé une perte de revenus d’au moins 6,3 milliards de dollars américains aux caisses de l’Etat entre 2011 et 2020, révèle une étude du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). « Entre 2017 et 2020, l’Etat perdait chaque année environ 1,5 milliard dollars par an suite aux exonérations fiscales », a renchéri, en janvier dernier,Victor Batubenga, numéro deux de l’IGF.

Depuis l’investiture du gouvernement du Premier ministre, Jean-Michel SamaLukonde, en avril dernier, un accent particulier a toujours été mis sur le combat contre le coulage des recettes, la corruption, le clientélisme, les détournements des deniers publics. Mais le mal persiste, car certains automatismes ont la vie dure. Dernière illustration de ces actes frauduleux, la gestion des fonds alloués à la lutte contre la pandémie de Covid-19 où l’IGF et la Cour des comptes ont pointé du doigt une mauvaise gestion généralisée. Pis, le 13 février, l’IGF a publié un rapport accablant révélant un détournement de 300 millions de dollars dans la gestion de cinq programmes du ministère de la Santé au cours des six dernières années. « Une prédation en bande organisée », souligne le gendarme des finances publiques, qui parle de gestion « confuse » et non « transparente ».Des comportements d’incivisme fiscal et de maffieux contre lesquels le ministre des Finances part en guerre avec FinAlerte, pour mettre fin aux énormes pertes de recettes publiques.« Je vous invite à vous approprier cet outil, c’est le vôtre, c’est vous qui allez le faire vivre. Nous prendrons rendez-vous pour vous rendre compte de l’évolution de son utilisation, fonctionnement et de son impact sur notre travail, sur nos recettes, sur le niveau de satisfaction des contribuables, sur les performances des finances publiques. Avec FinAlerte, combattons tous ensemble les antivaleurs du secteur financier », a exhorté Nicolas Kazadi.

Le « 165 »

La gestion de FinAlerte est confiée à une commission mise sur pied au sein du cabinet du ministère des Finances. Constituée d’experts, elle aura l’épineuse tâche d’assurer un suivi rapproché et une évaluation rationnelle des plaintes. Un vrai travail de filtrage quand on sait que certains contribuables peuvent être tentés par le démon de la dénonciation calomnieuse. Conscient du travail titanesque à réaliser et des ramifications que peut générer FinAlerte, le ministre des Finances a sollicité l’implication de divers organismes tels que l’IGF, la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF), la magistrature, la police et tous les services qui contribuent à améliorer les relations entre les citoyens et les responsables publics.

Comme toute application mobile, FinAlerte est facilement téléchargeable à partir d’un LAPTOP. On peut aussi, à partir de son téléphone, composer le « 165 » (appel gratuit),pour communiquer directement avec le ministre des Finances et ses services.

PGBN