Libéré vendredi dernier après une incarcération d’une semaine à la prison centrale de Makala, le patron belge de Rawbank, Thierry Taeymans, est sur le point d’être poussé vers la sortie plus tôt que prévu. La rumeur de son remplacement à la tête de la banque appartenant aux Rawji – une famille indienne établie depuis 1908 en République démocratique du Congo (RDC) – circule depuis ce soir. Ayant déjà subi une importante opération chirurgicale dans un passé récent, le banquier belge n’était pourtant plus loin de la retraite. Mais son passage par la case prison a certainement précipité un changement de capitaine aux commandes de la première banque commerciale en RDC. L’information, qui circule depuis peu, relève d’une fuite. Ni la Banque centrale du Congo (BCC), ni l’Association congolaise des banques (ACB) n’étaient, il y a deux heures, en mesure de la confirmer. « Une annonce officielle va suivre », répond-on, du côté de l’ACB.
La banque de la famille Rawji est dans la tourmente depuis l’arrestation de l’un de ses gros clients, l’homme d’affaires libanais, Jammal Sammih. Ce dernier est le bénéficiaire d’un contrat de 57 millions de dollars, signé de gré à gré avec l’Etat, pour la construction de logements, dans le cadre du programme présidentiel des cent jours. Seul problème : le projet n’a pas été mené à bien. Et ce, alors que la société Samibo Congo du Libanais a déjà empoché l’argent. Un virement en sa faveur a été fait par le ministère des Finances sur un compte fermé en janvier 2019, mais réactivé en mars de la même année, certainement pour cette opération. Une enquête a alors été lancée par la justice congolaise. Elle a conduit à l’interpellation de Thierry Taeymans par le parquet de Matete avant d’être écroué à Makala. Sa récente libération a été obtenue après le versement d’une forte caution (lire notre précédent article). Mais l’image de la banque en a été écornée. D’autant que celle-ci a autorisé des retraits en espèces en plusieurs tranches à hauteur de 38 millions de dollars du compte de Samibo Congo, en violation des règles anti-blanchiment édictées par la BCC. La destination de ce pactole reste toutefois inconnue. Seuls 3 millions ont pu être retracés avec certitude par les enquêteurs. La famille Rawji est donc obligée de puiser dans les fonds propres de la banque pour rembourser le Trésor public à hauteur de 35 millions de dollars. «Le système bancaire de la RDC est déjà indexé à l’extérieur», regrette un ancien banquier. Et ce qui est arrivé dans le dossier de Rawbank pourrait contribuer à compliquer davantage la situation. D’où sa crainte : «On reviendrait alors à 15 ou 20 ans en arrière.»
Il n’est donc pas étonnant que les Rawji cherchent à faire rapidement place nette en évinçant le directeur général en délicatesse avec la justice. La banque familiale a une solution de rechange en interne. Un nom revient avec insistance pour remplacer le Belge : il s’agit de son adjoint, Mustafa Rawji. Ce dernier a surtout l’avantage de faire partie de la famille actionnaire majoritaire. Il a fait aussi ses premières armes au sein de deux grands groupes mondiaux, HSBC et Barclays. S’il était porté temporairement à la tête de Rawbank, il aurait pour mission de redorer le blason terni des Rawji, mais aussi de rassurer les clients quelque peu inquiets de la banque. En attendant certainement une solution plus durable.
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