Les Rwandais ont rendez-vous avec les urnes ce 15 juillet pour élire leur futur président. Mais, comme le soulignent les observateurs, nul besoin d’être grand clerc pour se douter que l’alternance ne devrait pas être de saison.
Désigné chef de l’Etat par le Parlement après la démission, en 2000, de Pasteur Bizimungu, dont il était le vice-président depuis 1994, Paul Kagame est élu pour la première fois au suffrage universel en 2003. Réélu en 2010, puis en 2017, totalisant à chaque fois plus de 90% des voix, il brigue un quatrième mandat. Et il est peu probable qu’il ne rempile pas. Et pour cause, depuis qu’il est au pouvoir, son parti, le Front patriotique rwandais (FPR), réprime toute opposition et voix discordante. Arrestations, intimidations, assassinats empêchent les candidats sérieux de l’opposition de se présenter à la magistrature suprême face à lui. Seuls ceux qui ont les faveurs du pouvoir y sont autorisés. Ainsi, le candidat Paul Kagame, comme lors de la présidentielle de 2017, sera encore opposé cette année aux mêmes adversaires : le chef du Parti démocratique vert (formation d’opposition autorisée par le pouvoir), Frank Habineza, et Philippe Mpayimana, candidat indépendant, qui avaient recueilli respectivement 0,73% et 0,48% des voix contre plus de 98,79% pour l’homme fort du Rwanda. Comme il y a sept ans, plusieurs figures de l’opposition comme Victoire Ingabire, dirigeante du mouvement Dalfa Umurunzi (Développement et liberté pour tous) et Bernard Ntaganda, fondateur du parti PS-Imberakuri, sont empêchés de participer au scrutin présidentiel en raison de condamnations passées, malgré leurs demandes de restauration de leurs droits civiques. Une autre voix critique du régime de Kigali, Diane Rwigara, a vu sa candidature retoquée par la Commission nationale électorale (NEC), car « au lieu de fournir un extrait de casier judiciaire comme l’exigeait la Commission nationale électorale, [Diane Rwigara] a fourni une copie d’un jugement du tribunal ». Selon la NEC, elle n’aurait pas non plus pu fournir de document prouvant sa nationalité rwandaise. En 2017 déjà, elle avait été écartée de la présidentielle, accusée de falsification de documents et arrêtée avant d’être blanchie, en 2018, par la justice pour accusations « infondées ».
Déjà réélu trois fois pour des septennats, le président sortant concourt cette fois pour un mandat de cinq ans. En effet, une révision constitutionnelle controversée, adoptée en 2015, a ramené la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans, en maintenant un maximum de deux quinquennats. Cet amendement a remis à zéro le nombre de mandats de Paul Kagame, 67 ans, qui peut rester au pouvoir jusqu’en 2034. Au moins. Interrogé il y a peu sur une chaîne de télévision française sur sa candidature à un nouveau mandat, l’ancien chef de guerre, reconduit en avril dernier à la tête du FPR, a répondu : « J’envisage de me présenter pour vingt ans de plus, je n’ai aucun problème avec ça. Les élections sont l’occasion pour les gens de choisir. » Malgré toutes les controverses qui entourent son régime. De nombreuses ONG internationales le critiquent pour son autoritarisme et ses violations des droits de l’homme. Et pour ne rien arranger, Kigali apporte un soutien indéniable aux rebelles du M23 dans le Nord-Kivu, déstabilisant le voisin congolais. Certains Etats membres de l’Union européenne commencent à demander au pouvoir rwandais de retirer ses troupes de l’est de la République démocratique du Congo. Et ce, afin de préserver les relations de bon voisinage dans la région des Grands lacs.
Dominique Malumba