Le Covid-Organics (CVO) est développé par l’Institut malgache de recherches appliquées (IMRA). Techniquement, il est le fruit de la décoction d’artemisia (62%), une plante déjà connue dans le traitement du paludisme. Le remède contient également d’autres plantes endémiques malgaches qui n’ont pas encore été rendues publiques. Fondé en 1957, l’IMRA est entre autres connu pour être à l’origine du Madecassol, commercialisé par Bayer, un cicatrisant à base de plantes.
Lancé en grande pompe il y a quelques semaines par le président de Madagascar, qui le présente comme un traitement « naturel, non toxique et non invasif », le CVO défraie la chronique dans le monde entier, en pleine crise sanitaire. Le président revendique que « La majeur partie de nos malades du coronavirus ont été guéris grâce à l’administration du Covid artemisia ». De facto les faits sont en faveur d’Andry Rajoelina qui a bienrappelé que Madagascar parvient à soigner ses patients (101 patient guéris pour 171 cas et aucun décès) grâce à l’administration du CVO : « Les résultats sont là : il n’y a pas de morts à Madagascar. » Un bilan dont peu de pays peuvent se prévaloir.
Quelle efficacité ?
Face aux mises en garde de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le président malgache a notamment rappelé que des « observations cliniques » ont bien précédées le lancement officiel du remède. Pour rappel, les observations cliniques sont de rigueur dans la validation des « remèdes traditionnels améliorés » et ne nécessitent pas une phase plus poussée d’« essais cliniques » prescrits dans le cadre des test de médicaments. Une méthodologie prescrite par… l’OMS. Un travail donc parfaitement conforme mais cet aspect est pourtant mis à l’écart par les critiques du Covid-organics. L’IMRA l’a d’ailleurs rappelé via son directeur Charles Andrianjara : le CVO n’est pas considéré comme un médicament mais bien comme un remède traditionnel. Le président a en outre précisé que des essais cliniques étaient entrepris cette fois-ci dans la perspective d’injections de CVO. Cette campagne d’essais étant menée, aux dires du président, dans le cadre d’une coopération internationale réunissant des pays de l’océan Indien ainsi que des chercheurs basés aux Etats-Unis.Une perspective prometteuse après les succès récents du remède.
L’Artemisia en débat
Les critiques de l’OMS et de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) portent également sur l’artemisia en tant que telle, arguant que la plante pourrait entraîner des effets secondaires néfastes sur l’organisme. Cette assertion semble toutefois contestable dans la mesure où l’artemisia est prescrite depuis des siècles dans la prévention du paludisme. Elle fait d’ailleurs l’objet de recherches très sérieuses, depuis le mois d’avril 2020, au Danemark et en Allemagne via le très sérieux Institut Max-Planck de Potsdam, afin d’étudier son potentiel contre le Covid-19.
L’artemisia est déjà employée par l’industrie pharmaceutique sous le nom d’absinthe chinoise. Son principe actif, l’artémisinine, est utilisé dans la production des Artemisinin-based Combination Therapy (CTA) dans le cadre de traitements antipaludiques à la suite des découvertes du Dr Youyou, prix Nobel de médecine. Des recherches conjointement menées avec les biochimistes Campbell (Irlande) et Satoshi Ōmura (Japon) eux aussi titulaires du prix Nobel. Des références rappelées opportunément par Andry Rajoelina lors de son interview. D’autres expert se sont par ailleurs prononcés ces dernières années en faveur de l’artemisia tel ZhouYiqing de l’Institut de microbiologie et d’épidémiologie de l’Académie chinoise des sciences médicales militaires ou encore l’épidémiologiste Nanshan Zhong, découvreur du SRAS en 2003.
Même si, à ce stade, on note que l’artemisia fait bien l’objet d’un débat scientifique international, sa toxicité et son inefficacité ne font pas l’objet du consensus international et unilatéral tel que présenté par l’ANSM. L’un des principaux arguments en sa faveur étant justement des effets secondaires moindres comparés à ceux provoqués par l’emploi de la chloroquine. Au contraire, ses vertus thérapeutiques, connues de longue date, catalysent l’attention d’un nombre croissant de chercheurs qui aideront Madagascar à optimiser sa solution.
On peut être alors légitimement interloqué par la cabale d’institutions internationales dont les critiques péremptoires jurent avec la nature réelle du débat scientifique. On est enfin en droit de se demander d’où vient une telle polémique alors même que le pays propose un début de solution présentant le double avantage d’être bon marché et non dangereuse. Contrairement aux dires de ses contempteurs, le président Rajoelina a bien joué le jeu des normes internationales et se trouve par conséquent loin d’être isolé : à ce stade, Madagascar fournit, ou fournira, pas moins d’une quinzaine de pays africains (RDC, Sénégal, Guinée Bissau, Comores, Tanzanie, Tchad…). Un succès politique lui donnant davantage de poids malgré la prudence de l’UA ou de la Cédéao. Une dynamique qui sera peut-être bientôt confirmée par les recherches en cours en Europe et aux Etats-Unis. Dans ce cas le CVO deviendra une véritable aubaine pour Madagascar et pour le monde conformément aux propos du président : « Dieu nous a donné des plantes pour nous aider à sauver le Monde.»>