Terrorisme : Le sommet de Nouakchott confirme les progrès depuis Pau et énonce les futurs enjeux

Les membres du G5 Sahel et la France y ont affiché leur unité et dressé un bilan positif quelques mois après Pau. Mais loin d’être une rencontre d’autosatisfaction, le sommet a également pointé la nécessité d’amplifier les résultats militaires et d’amorcer efficacement l’action civile et politique de la coalition.

Le sommet s’est déroulé hier, mardi 30 Juin, et a réuni de nombreuses personnalités : outre le président français, Emmanuel Macron, et les dirigeants africains du G5 Sahel, étaient également présent :  le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, la chancelière allemande, Angela Merkel, ainsi que le Premier ministre, Italien Giuseppe Conti. La présence des trois autres principales puissances de l’Union européenne à Nouakchott, contrairement à Pau, peut être interprétée comme un signal fort d’une mobilisation européenne croissante. Une mobilisation que l’on peut relier aux dispositions fortes prises à Pau et, incontestablement, suivies d’effets. Ces derniers, encore à consolider, semblent cependant convaincre les partenaires européens de la qualité du leadership français dans la gestion de la crise au Sahel. Cette mobilisation aurait-elle été envisageable sans des résultats significatifs ? En tout état de cause, aucun responsable présent à Nouakchott ne semble avoir infirmé la phrase du président Macron : « L’Europe, ses états membres, ses institutions, nos partenaires américains et les pays voisins sont au rendez-vous, et ils sont à vos côtés car nous sommes convaincus que la victoire est possible au Sahel, et qu’elle est déterminante pour l’équilibre en Afrique et en Europe. »

Effets militaires : encourageants mais à amplifier

Signe le plus visible de la perte du contrôle de la situation, les opérations militaires ont été le point focal du sommet de Pau et le principal poste de progrès depuis. Fin 2019, les armées malienne, nigérienne et burkinabé essuyaient des pertes très lourdes dans leurs rangs face à des groupes armés terroristes (GAT), faisant la démonstration d’une habileté martiale reconnue par l’armée française elle-même. D’où le recentrage opérationnel entrepris depuis lors ayant conduit à une concentration des forces dans la région des trois frontières et une agressivité française redoublée. Ce tournant a produit des résultats comme le président français l’a rappelé à Nouakchott lors de la conférence de presse : « Nous avons beaucoup réorganisé, nous avons amélioré notre efficacité dans la lutte contre le terrorisme, mieux partagé l’information, réussi le centre unique de coordination à Niamey et eu des résultats spectaculaires en particulier dans les dernières semaines. Dans la région des trois frontières, des zones ont été reprises aux groupes terroristes, les armées se redéploient, le rapport de force a été inversé.»  Il est important, à ce titre, de rebondir sur le centre de coordination de Niamey : Mécanisme de commandement conjoint (MCC) mis en place par Barkhane, il est l’amorce de l’autonomisation des forces du G5 Sahel sur leur terrain, conformément aux objectifs finaux de l’opération Barkhane. Cela dit, cet objectif est encore loin d’être rempli et les GAT bénéficient toujours d’une très importante capacité de nuisance : un fait rappelé par les dirigeants du G5 qui souhaitent voir s’amplifier autant l’effort militaire sur le terrain que sur le plan de la formation et des équipements. Même si sur ce dernier point d’importantes avancées ont été consenties ces derniers mois, aboutissant à 200 millions d’euros de crédits d’équipement et des progrès capacitaires notables (combat aéroterrestre, maintien en condition opérationnelle des matériels, etc.).

Ces résultats s’accompagnent d’une mobilisation internationale croissante avec le maintien des forces danoise et britannique sur place, le lancement de la Task Force européenne Takuba, l’officialisation du renouvellement du mandat de la Minusma, le renforcement par l’Espagne et l’Allemagne des missions de formation EUTM et enfin de la constitution d’un contingent de 3 000 soldats par l’Union africaine. Peut-on véritablement comparer la situation actuelle avec la détresse et la méfiance mutuelle qui étaient de mise à la veille du sommet de Pau en janvier dernier ? Un investissement salutaire qui pourra aider à résoudre l’une des principales inquiétudes du sommet : la situation militaire préoccupante du Burkina Faso.

Un parent faible identifié : la gouvernance et le développement

L’une des principales réalisations du sommet de Pau a été la création de la coalition pour le Sahel chargée d’harmoniser les opérations de militaires avec la coordination des initiatives de développement. Structurellement, cette initiative est une des réussites rappelées à Nouakchott, entre autres, par la bouche du président français : « La coalition pour le Sahel que nous avons annoncée à Pau il y a six mois est en place. » Cette dernière s’est en effet officiellement lancée depuis le 28 mars et a connu sa première réunion (45 ministres des Affaires étrangères et une quinzaine de représentants d’institutions internationales). Devant favoriser le drainage des aides et le partage de l’information, les actions concrètes de la coalition n’ont toutefois pas encore été mises en œuvre. Il faut tout de même rappeler que le développement se situe dans un continuum avec les opérations militaires, et qu’un minimum de tenue du terrain est fondamentale dans les zones contestées. Ces dernières seront la cible principale des aides mais étant donné la situation militaire qui prévalait en janvier 2020, il était nécessaire d’appuyer en priorité sur le volet militaire. Le rapport de force ayant aujourd’hui évolué positivement, le sommet de Nouakchott a acté la nouvelle stratégie de développement. Symétrique dans sa conception aux opérations militaires ; elle passera par un ciblage de zones précises à traiter prioritairement. Elle ira des missions CIMIC (missions civilo-militaires) de l’armée française aux programmes de développement d’urgence (PDU) de l’alliance pour le Sahel (pilier développement de la coalition) en passant par le Cadre d’actions prioritaires intégré (CAPI) du G5 Sahel. On doit également mentionner un axe fort du sommet à cheval entre la formation militaire et l’émergence d’une gouvernance plus juste. Face à la recrudescence d’accusations d’exécutions sommaires des armées du G5, les autorités de la région, la France, l’Onu et l’UE ont fermement condamné ces actes et ouvert des enquêtes. Un sujet pris très au sérieux comme en témoignent les mots prononcés le 18 juin, devant le Sénat, par la ministre française des Armées, Florence Parly: « Il y a des brebis galeuses partout mais nous serions coupables si nous ne mettions pas tout en œuvre pour réduire ce risque.»

Ces annonces ont été accueillies favorablement par les participants du sommet. Toutefois, comme au lendemain de Pau, il s’agira de joindre la parole aux actes aussi bien du côté de l’investissement français et international, que des efforts politiques devant être fournis par les pays du G5 et avant tout le Mali en proie à une inquiétante crise de sa classe dirigeante. Mais si les prochains mois se déroulent comme les six derniers, on peut cependant se montrer optimiste. La suite lors du prochain sommet prévu pour 2021.

C.P.