Arrivé en 2017 à Kinshasa, l’ambassadeur d’Italie en République démocratique du Congo, Luca Attanasio, est décrit comme un diplomate empathique. Sa disparition tragique est comme un défi lancé par ses assassins – et ceux de son garde du corps – au nouveau président en exercice de l’Union africaine (UA). En effet, depuis quinze jours, le numéro un congolais voit converger vers lui tous les dossiers brûlants du continent. La chaleur du feu qui couve à l’est de la RDC ne peut que l’atteindre, encore plus fortement que si c’était ailleurs. Ceux qui ont perpétré cet acte odieux ne l’ignorent pas. Ils savent pertinemment que les projecteurs sont braqués depuis le 6 février sur ce pays d’Afrique centrale dont le dirigeant trône pour une période d’une année au sommet de l’organisation panafricaine. Alors poser un acte audacieux ciblant de surcroît un diplomate européen revient pour le groupe armé qui en est l’auteur à défier non seulement le pouvoir central de Kinshasa, mais aussi tout un continent. Et par ricochet, tous les pays membres de l’Union européenne à commencer par l’Italie dont deux de ses citoyens sont parmi les trois victimes de l’assaut survenu lundi près de Goma.
Bien évidemment, les réactions ont fusé de partout. De Washington à Rome, en passant par les capitales africaines, les condamnations affluent. La communauté internationale, qui s’était habituée malheureusement à regarder ailleurs quand les victimes étaient seulement congolaises, est aujourd’hui confrontée à la triste réalité que vivent quotidiennement les habitants endeuillés du Nord-Kivu. Il n’est certes pas question de hiérarchiser les morts. Mais il faut mettre à profit ce drame effroyable pour un sursaut : mettre hors d’état de nuire tous les groupes armés et les milices locales qui sèment la mort au quotidien dans cette région et les autres provinces du pays. La communauté internationale doit aider à trouver les voies et moyens d’y parvenir. Le mandat de Félix Tshisekedi à la tête de l’UA doit aussi y contribuer fortement. En effet, ce mandat ne peut que prendre un tour beaucoup plus sécuritaire que ce qui a été initialement prévu. L’urgence de la situation à l’est de la RDC l’exige, si l’on ne veut pas décevoir les attentes des Kivutiens . Là-bas, la guerre n’a que trop duré. Les violences ont trop endeuillé les familles congolaises. Celles-ci sont à bout.
Le chef de l’Etat leur a certes promis le retour à une vie paisible et normale. Mais les circonstances exceptionnelles imposent un agenda quelque peu chamboulé. Avec l’aide de la communauté
internationale, il doit faire de la pacification de l’est de la RDC — où sévissent 122 groupes armés
actifs, selon le Baromètre sécuritaire du Kivu — la priorité de ses priorités.Trêve de tergiversation. Son mandat à la tête de l’UA sera à coup sûr une réussite si la paix revient à l’Est, ou du moins si les massacres des populations paisibles s’estompent. Une éventuelle réélection en 2023 de l’actuel chef de l’Etat – s’il veut briguer un nouveau mandat – serait facilitée si les groupes armés cessaient de contrôler le moindre lopin de terre dans ces contrées orientales au sol ultra fertile et au sous-sol pourvu abondamment en produits miniers rares. On ne peut tenter de développer le Grand Kivu sans y faire régner durablement la paix. Et pour y parvenir, il faut désormais passer aux travaux pratiques. Tout doit être mis en œuvre pour atteindre cet objectif primordial. L’Etat de droit que veut instaurer le président congolais – exerçant désormais pleinement le pouvoir – nécessite au préalable de remettre l’est du pays à l’endroit.
La Rédaction