Michaël et Vassilia ont convolé le week-end dernier en justes noces. Des cérémonies hautes en couleur qui ont rassemblé à Kinshasa de nombreux acteurs importants issus notamment de divers bords politiques. Les deux tourtereaux sont en effet les détenteurs d’un héritage de grandeur forgé par leurs grands-pères et pères respectifs.
Un seul mariage, mais quatre illustres familles issues de plusieurs provinces rd-congolaises qui s’imbriquent. Au départ deux jeunes se rencontrent. Puis de fil en aiguille naît une relation solide et prometteuse qui va d’abord aboutir, jeudi 29 août, à un mariage coutumier. Cette union scellée ensuite devant le bourgmestre de la commune de Ngaliema, samedi 31 août, à la mi-journée, met en relation quatre familles qui ont joué un rôle non négligeable dans l’histoire politique, la formation des élites et le processus d’émergence du pays.
La filiation de Michaël renvoie à deux familles d’intellectuels du Grand Kasaï. Sa mère, Solange Kabengele, est la fille d’un fonctionnaire international de l’Organisation de l’unité africaine devenue ensuite Union africaine, qui a travaillé notamment à Addis Abeba, à Tunis auprès de la Ligue arabe et à Bruxelles auprès de l’Union européenne. Solange avait à peine 6 mois quand elle accompagnait son père en expatriation. Cette longue période qui ne s’est achevée qu’avec son mariage le 15 août 1992, lui a donné l’occasion de pratiquer sept langues ; l’Amharique, la langue officielle de l’Ethiopie qu’elle pratique comme une native, en plus de l’anglais, l’italien et l’espagnol, sans compter le français, le lingala et le tshiluba. Quant au père du marié, Nicolas Kazadi, formé notamment à l’Ecole nationale d’administration (ENA) de Paris, dont est issue l’élite française, il est en effet le fils du défunt universitaire congolais, Pr Jacques Kazadi. Cet ancien membre du comité central et trésorier du MPR, le parti unique sous la présidence du maréchal Mobutu, fut le premier doyen noir de la faculté d’économie après le départ des Belges. Il a ainsi formé plusieurs générations d’économistes congolais. Il a en outre mené plusieurs activités de recherche et de développement économique au niveau panafricain, notamment au CODESRIA (à Dakar) dont il fut le premier président et à l’Institut panafricain pour le développement basé à Douala, dont il fut longtemps le président du conseil d’administration.
Une union qui rappelle un pan de l’histoire congolaise
Le marié, Michaël Kazadi, n’est pas en reste. Après de brillantes études en Administration des affaires dans la prestigieuse Terry School of Business de l’Université de Georgia aux USA en 2018, il intègre aussitôt la société Oracle à Boston comme Business development specialist avant de revenir à Kinshasa en 2020 pour s’y installer à son propre compte. Il est aussi l’auteur d’un livre autobiographique écrit à 23 ans et intitulé « Que diront-ils de moi ?», paru aux éditions Saint-Honoré (Paris). Sa femme, Vassilia, affiche de son côté un parcours tout aussi intéressant. Elle vient de décrocher son Master en droit économique à l’Université Catholique de Louvain. Plutôt réservée, Vassilia est surtout de bonne extraction. Sa mère, Thérèse Bomboko, est la fille d’une des figures majeures de l’histoire politique congolaise, Justin-Marie Bomboko Lokumba Is’Elenge, qui a posé, le 30 juin 1960, sa signature sur l’acte d’indépendance de la RDC, à côté de celle de Patrice Lumumba. Cet originaire du Grand Equateur était à l’époque ministre des Affaires étrangères dans un gouvernement dirigé alors par le Premier ministre Patrice Emery Lumumba, un Anamongo comme lui. Ami personnel du général Mobutu, qui a ensuite pris le pouvoir le 24 novembre 1965, ce leader du peuple anamongo est considéré par beaucoup d’historiens comme étant le concepteur de la politique diplomatique du pays. On lui doit d’ailleurs la création de l’Académie diplomatique congolaise, qui a été relancée en 2009 après une période de léthargie. Pour son rôle important dans la conduite des affaires de l’Etat, Joseph Kabila élève, en 2010, Justin-Marie Bomboko au rang de « Grand Cordon de l’Ordre des héros nationaux », le plus haut rang des ordres nationaux. Il a eu à côtoyer dans les années 1980 le professeur Jacques Kazadi au sein du comité central du MPR, l’organe suprême du parti-Etat sous Mobutu. Certains de ses enfants ont fait ou font de la politique comme lui. Il s’agit notamment d’Annie Bomboko, qui a été mairesse de la ville de Mbandaka et Justin-Marie Junior Bomboko, un des dirigeants du MHEC, le parti politique créé par Albert Mpeti.
Le défunt patriarche a également bien connu un autre homme d’Etat décédé, lui, en 2008 en Afrique du Sud, en la personne de Cléophas Kamitatu Massamba, un des leaders de la province du Bandundu. Cet homme de gauche, docteur en science politique, était le grand-père paternel de Vassilia. En effet, le père de la mariée n’est autre que l’ancien ministre et surtout ex-président de l’Assemblée nationale, Olivier Kamitatu Etsu. Mais revenons d’abord au parcours de Cléophas Kamitatu. Ce dernier a été nommé à maintes reprises ministre sous la présidence du maréchal Mobutu, après l’avoir été aussi avant le coup d’Etat du 24 novembre 1965. Lui aussi a eu à diriger la diplomatie congolaise. Il fut également ambassadeur, puis gouverneur de la ville de Kinshasa. A la chute du régime en 1997, il ne prend pas le chemin de l’exil. Arrêté par Laurent-Désiré Kabila, le tombeur de Mobutu, Kamitatu père sera finalement remis en liberté, non sans avoir tenu tête au nouveau maître de Kinshasa. La « grande mystification du Congo-Kinshasa : les crimes de Mobutu », est son livre le plus connu, écrit en 1971, lorsqu’il était encore opposant au régime en place. Il en deviendra certes un des dignitaires, mais sans se départir de son esprit critique, ni de ses idées révolutionnaires.
Symboles d’une unité possible
Comme on peut le constater, Vassilia baigne donc dans la politique dès sa naissance. Après ses grands-pères, le virus de la politique s’est ensuite transmis à son père, Olivier Kamitatu Etsu, un orateur hors pair. Son hommage dédié à son ami décédé, Sindika Dokolo, est encore dans toutes les mémoires. Il s’est rapproché depuis plusieurs années de l’homme d’affaires Moïse Katumbi, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle. Les deux hommes se positionnent clairement dans l’opposition. Le maître de cérémonie n’a pas manqué de le rappeler aux invités : « Les papas de nos chers mariés s’illustrent dans des débats passionnés sur des bancs opposés. Leurs grands-pères et pères, illustres ministres, ont forgé un héritage de grandeur qui enrichit cette scène familiale jubilatoire. » Et de poursuivre : « Cependant, Thérère et Solange [mères des mariés], rayonnantes de sagesse et d’amour, sont les véritables architectes de la paix familiale. Leur complicité tendre transcende les petites discordes, tissant des liens aussi solides et précieux que des fils d’or.» Vassilia et Michaël deviennent ipso facto de véritables symboles de l’unité possible entre leurs pères d’abord, mais aussi entre les familles politiques respectives de leurs géniteurs.
L’espoir est permis lorsqu’on jette un œil sur la liste des invités ayant assisté aux différentes cérémonies. Ils représentaient divers bords politiques. On a par exemple noté la présence remarquable de la Première dame, Denise Nyakeru Tshisekedi. Etaient également présents : l’actuel président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, accompagné de sa charmante épouse Hamida Chatur-Kamerhe, deux de ses prédécesseurs, Pr Evariste Boshab et Thomas Luhaka, venus eux aussi avec leurs épouses, le président par intérim de l’UDPS, le parti au pouvoir, Augustin Kabuya, les anciens Premiers ministres Mabi Mulumba et Samy Badibanga, le président du Conseil économique et social, Jean-Pierre Kiwakana, les anciens conseillers présidentiels Jean-Claude Kabongo et Fortunat Biselele, l’ancien président de l’Association congolaise des banques, Michel Losembe, l’ex-gouverneur de la Banque centrale du Congo, Jean-Claude Masangu, le vice-gouverneur de la BCC, Dieudonné Fikiri, l’administrateur général de l’Agence nationale de renseignements, Justin Inzun Kakiak, l’ex-président de la Fécofa, Constant Omari, les sénateurs Christophe Lutundula Apala, Sylvain Kabongo, Faustin Luanga, Jonas Mukamba, leurs collègues députés nationaux, Me Boris Mbuku, Pr Jacques Djoli, Flory Mapamboli, Daïda Moleka et Jean-Marie Lukulasi (par ailleurs PCA de l’INPP), ainsi que les anciens ministres Peter Kazadi, Jean-Jacques Mbungani, Pr Florentin Mokonda Bonza, Pr Tryphon Kin-Kiey, Gilbert Kiakwama, Colette Tshomba, etc. Plusieurs membres du gouvernement sont également venus soutenir les mariés, de Molendo Sakombi à Gilbert Kabanda en passant par O’Neige N’Sele et Wivine Moleka.
Plusieurs membres éminents du monde des affaires ont également répondu présents, à savoir : l’Indien Harish Jagtani (propriétaire de HJ Group), le Turc Mildon Turhan (PDG de Milvest), l’ex-patron des patrons, Albert Yuma, l’actuel vice-président de la FEC, Ambroise Tshiyoyo et son épouse Nicole Sulu, le président du comité professionnel des afficheurs et agences de publicité (CPAA) du patronat local, Luto Nzolantima, et le patron du groupe Ledya, Jean Lengo Dia-Ndinga. Voir ces grands opérateurs économiques assister aux différentes cérémonies de mariage, ce n’est pas rien.
La présence aux festivités de l’ambassadeur de l’Union européenne, Nicolà Berlanga, du directeur de la Banque mondiale, Albert Zeufack, de la directrice de l’Agence française de développement (AFD), Safia Ibrahim-Metter, et de la représentante adjointe du PNUD, Rockia Dieng, est venue renforcer la portée de ce rassemblement inédit.
Voyant toutes ces personnalités mises ensemble pour et par les mariés, le maître de cérémonie a alors conclu que l’ambiance harmonieuse et éclatante des festivités symbolisait, à ses yeux, l’unité possible, contrastant avec le terrain du débat politique habituel. Et la fête fut belle !
F. K.