Faire participer activement les citoyens dans la formulation des politiques publiques, telle est la raison d’être des Conseils économiques et sociaux africains, regroupés au sein de l’UCESA, qui viennent de se réunir pendant deux jours à Kinshasa.
Jean-Pierre Kiwakana, président du Conseil économique et social en RDC, a mis les petits plats dans les grands pour accueillir ses homologues africains et les partenaires étrangers, notamment chinois et européens. Un événement de taille pour cette institution congolaise, qui a démarré ses activités en septembre 2014, et qui a, cette année, l’honneur d’organiser les 26 et 27 septembre l’assemblée générale de l’Union des conseils économiques et sociaux et institutions similaires d’Afrique (UCESA). Cette faîtière regroupe en son sein une vingtaine de conseils économiques et sociaux sur le continent africain. Plusieurs dirigeants de ces institutions participent aux travaux qui se déroulent à l’hôtel Pullman (ex-GHK), avant une croisière de trois heures sur le fleuve Congo, à bord du Majestic River.
La séance d’ouverture a été présidée, mardi 26 septembre, par le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, qui représentait le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, en déplacement à Bruxelles après un séjour aux Etats-Unis à l’occasion de la 78è session de l’Assemblée générale des Nations unies. Le chef du gouvernement congolais s’est réjoui du choix de Kinshasa pour abriter les travaux annuels de l’UCESA. Le thème de cette année porte bien évidemment sur une des préoccupations du moment : la mobilité climatique. Considéré par ses dirigeants comme un pays solution dans le cadre de la lutte contre le réchauffement de la planète et les changements climatiques, le choix de la RDC pour accueillir la session annuelle des conseils économiques et sociaux africains tombe à pic. Un atelier sur ce thème proprement dit a été organisé ce mercredi 27 septembre.
Revenons à la séance d’ouverture de l’Assemblée générale. Le président en exercice de l’UCESA, Ahmed Reda Chami, qui dirige aussi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) du Maroc, n’a pas caché son immense plaisir de retrouver ses collègues et partenaires dans la capitale congolaise. « Je tiens également à saluer votre engagement, Monsieur le Président Kiwakana, de nous avoir fait l’honneur de nous recevoir ici à Kinshasa et d’organiser les travaux de notre union à cinq jours de l’ouverture de la session ordinaire d’octobre de votre Conseil et à trois mois seulement de la tenue des prochaines élections générales en RDC. Je salue le professionnalisme et la disponibilité de votre Conseil dans la préparation de nos rencontres », a lancé d’emblée l’ancien ministre marocain de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies. Et d’ajouter que l’UCESA porte aussi la voix des citoyens au regard de sa composition. Il rappelle en effet que les conseils économiques et sociaux comptent en leur sein des représentants de la société civile, à savoir : des responsables du patronat local, des syndicats et des Organisations non gouvernementales (ONG). Faire participer activement les citoyens dans la formulation des politiques publiques, telle est la raison d’être des Conseils économiques et sociaux. « Un grand bonheur de nous retrouver dans le cadre de l’UCESA, ce qui nous permet d’échanger et de nous parler », s’est réjoui, à son tour, Jean-Pierre Kiawakana issu, lui, du monde de l’entreprise.
Le président marocain de l’Union, Ahmed Reda Chami, n’a pas manqué de revenir sur le puissant tremblement de terre survenu le 8 septembre dernier dans son pays. Ce séisme a particulièrement touché la région de Al Haouz du Haut Atlas, dans les environs de Marrakech. Des messages de soutien et de compassion émanant de ses collègues africains lui sont alors parvenus. Selon lui, cela témoigne d’une solidarité sincère et des liens privilégiés unissant « nos institutions et nos citoyens ». « Et bien sûr, nos pensées vont également à nos sœurs et frères libyens », a-t-il poursuivi. Rappelons que les récentes inondations en Libye ont fait plus de 3800 morts.
Le président en exercice a dressé un bilan des activités de l’UCESA depuis la précédente assemblée générale, qui s’est tenue en octobre 2022 à Rabat. Il a également rappelé que l’Union dispose de deux documents de référence qui constituent des cadres d’orientation et de stratégie pour les conseils économiques et sociaux et les différentes institutions panafricaines en charge de l’intégration régionale. Il s’agit d’abord du « Plaidoyer pour une action africaine face au dérèglement climatique ». Ce plaidoyer repose sur la participation des citoyens et la prise en compte de leur avis sur la formulation des solutions face au dérèglement climatique. L’UCESA a aussi fait réaliser, par un cabinet externe, des études de perception des citoyens sur le changement climatique. Elles ont été menées dans seize pays. Avec l’appui de la Banque mondiale, la faîtière a lancé l’élaboration de plaidoyers-pays. A en croire Ahmed Reda Chami, l’objectif étant de fournir des documents de référence en appui à la formulation des politiques climatiques, en s’appuyant sur les besoins des citoyens et de leurs aspirations dans des sociétés en pleine mutation.
Autre document adopté lors de la session de Rabat : la « Charte de durabilité pour le développement de l’Afrique ». Elle constitue « une boîte à outils pour opérer un suivi périodique dans chaque pays, de manière contextualisée, de l’effectivité des droits fondamentaux économiques, sociaux, culturels et environnementaux des citoyens tels qu’ils sont universellement affirmés par les instruments des Nations unies et de l’Union africaine ».
Par ailleurs, l’Union a obtenu récemment le statut d’observateur auprès de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. « Cela traduit une reconnaissance du rôle de l’UCESA, mais aussi une responsabilité pour contribuer plus activement à impacter la gouvernance climatique », s’enorgueillit Ahmed Reda Chami. Afin de bien mettre en œuvre sa feuille de route, l’UCESA a noué des partenariats stratégiques avec plusieurs organismes internationaux. Il s’agit notamment de la Banque africaine de développement, de l’OIT, de l’OIM, du GIEC et de la Banque mondiale, mais aussi de l’université Mohammed VI Polytechnique.
La réalisation du projet de mobilité climatique, communément appelé Deep dive, bénéficie par exemple d’un accompagnement de la Banque mondiale. Selon le président en exercice, « c’est un projet phare de la feuille de route, en particulier dans le contexte de l’ampleur de la mobilité climatique en Afrique, dont les projections indiquent des migrations internes d’environ 86 millions de personnes d’ici 2050 ». Et ce, si aucune action n’est entreprise pour réduire les impacts du changement climatique. Au cours d’un atelier, organisé ce mercredi 27 septembre, l’UCESA a cette fois-ci lancé le Deep dive de la RDC, pays solution au changement climatique. L’objectif est d’améliorer les connaissances sur l’ampleur des migrations climatiques dans ce pays ayant neuf voisins, d’appréhender leurs conséquences sur les populations afin de pouvoir anticiper cette migration pour ensuite en tenir compte dans les plans de développement.
Plusieurs partenaires de l’UCESA sont présents à Kinshasa. C’est le cas notamment du Comité économique et social européen, mais aussi de l’UCESIF, qui regroupe les conseils économiques et sociaux des pays francophones. Mais, c’est le Conseil économique et social de Chine, dirigé par Zhang Qingli, qui impressionne par le grand nombre de ses représentants à cette réunion. Le chef de cette institution chinoise prévoit d’organiser, du 12 au 16 novembre prochain, à Pékin, la troisième table ronde UCESA – CES de Chine. Ahmed Reda Chami promet, de son côté, de répondre favorablement à cette invitation chinoise et de préparer avec les membres la participation de l’Union à cette table ronde.
Plusieurs résolutions ont été approuvées par les participants à l’issue de l’assemblée générale. L’une d’elles porte notamment sur la domiciliation à Rabat du siège de l’UCESA, dont les statuts devront être amendés afin d’y inclure cette disposition. Il revient donc au CESE du Maroc de solliciter un accord de siège pour l’UCESA et de mettre à sa disposition des locaux devant abriter sa future représentation. Autre résolution : le mandat accordé au Bureau exécutif de mener des consultations pour désigner le lieu de la prochaine assemblée générale en 2024, les membres n’ayant pas réussi à s’accorder sur le choix d’un pays organisateur. Avant le coup d’Etat de fin août 2023, le Gabon voulait se porter candidat pour accueillir ladite assemblée générale. Mais, à l’instar des autres institutions du pays, le Conseil économique et social gabonais, présidé par l’ancien Premier ministre, Julien Nkoghe Bekalé, a été suspendu. Ce dernier n’a donc pas pu se rendre à Kinshasa pour défendre la candidature du Gabon. Mais, comme le souligne un des participants gabonais, le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, a déjà nommé des responsables à la tête des institutions ayant été suspendues fin août. Seul le CES gabonais demeure, à ce jour, en sommeil. « Le général a plutôt intérêt, ajoute-t-il, à nommer rapidement un staff dirigeant et à remettre en service le Conseil économique et social pour canaliser les revendications sociales et les déceptions des populations qui ne manqueront pas de se manifester, une fois passé l’état de grâce. »
F.K.