L’invasion de l’Ukraine par la Russie a déjà eu des répercussions en République démocratique du Congo. Le voyage imminent du roi Philippe dans ce pays d’Afrique centrale a été reporté à une date ultérieure.
Prévue du 6 au 10 mars, la visite du couple royal belge a été ajournée sine die. C’est par un communiqué émanant de la présidence que Kinshasa a annoncé le report du déplacement dans l’ex-colonie belge du roi Philippe de Belgique et de la reine Mathilde. La raison invoquée n’est pas liée à une dégradation de la situation sécuritaire à l’est de la RDC, mais plutôt à l’escalade depuis le 24 février entre la Russie et la République voisine d’Ukraine.
L’événement était très attendu par les Congolais. Le pouvoir se préparait déjà à mettre les petits plats dans les grands. En effet, cela fait déjà douze ans que le roi des Belges n’a plus foulé le sol congolais. L’ex-roi Albert II est le dernier monarque à avoir visité l’ex-colonie, à l’occasion justement du soixantième anniversaire de son accession à l’indépendance. Le président d’alors, Joseph Kabila, avait organisé pour l’occasion une grande commémoration avec un défilé militaire sur le boulevard Triomphal qui passe devant le Palais du peuple, en présence de plusieurs chefs d’Etat étrangers. L’ancienne puissance coloniale ne pouvait donc pas manquer un tel rendez-vous.
Presque une douzaine d’années plus tard, ça devait maintenant être le tour du roi Philippe d’effectuer enfin son premier voyage en tant que souverain belge dans l’ancienne possession de la famille royale. Mais le risque qu’éclate une 3ème Guerre mondiale étant bien réel, cela devenait de plus en plus impensable que le roi et une partie de l’exécutif puissent s’éloigner à plus de 6000 km de Bruxelles. Certes, l’administration peut tourner sans problème dans une démocratie en l’absence de principaux dirigeants du pays. Mais si la guerre s’étendait à la vitesse d’un éclair au reste de l’Europe, il deviendrait alors difficile aux autorités belges de réagir promptement et efficacement en étant loin de leur centre de décision.
Le roi Philippe devait en principe être accompagné d’une importante délégation ayant à sa tête le Premier ministre, Alexander de Croo, flanqué notamment de la ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès. Leur présence est évidemment plus utile à Bruxelles actuellement plutôt que sous les tropiques, eu égard aux derniers développements de la crise en Ukraine. Le fait que le président russe, Vladimir Poutine, ait mis dimanche en alerte les forces de dissuasion nucléaire ne pouvait qu’accroître l’inquiétude chez les Européens en général, et les Belges en particulier. Voir alors le roi et la reine ainsi que la délégation ministérielle conduite par le chef du gouvernement en personne s’envoler vers Kinshasa, cela aurait probablement été mal perçu par l’opinion en Belgique. Les critiques n’auraient pas tardé de fuser dans les chaumières wallonnes et flamandes. Le report se justifie par ce qu’on appelle dans le jargon diplomatique un « cas de force majeure ».
A Kinshasa, la position belge est évidemment bien comprise. D’autant que la couverture médiatique n’aurait pas été à la hauteur d’un tel événement. En ce moment, tous les projecteurs du monde entier sont braqués vers Kiev, la capitale ukrainienne, et vers le Kremlin dont le locataire fait planer une menace réelle sur la préservation de la paix en Occident et dans les anciennes Républiques soviétiques.
Les festivités prévues par les autorités du pays hôte – en l’occurrence la RDC – n’auraient plus vraiment été frappées au coin du bon sens. Comment peut-on en effet crier « vive le roi » pendant que se produit un big bang géopolitique aux conséquences incommensurables pour l’humanité tout entière ? L’ajournement n’était plus une option mais bien une évidence. Il faudra cependant trouver une autre date dans l’agenda chargé du souverain belge.
Pour le président Félix Tshisekedi , ce report est une mauvaise nouvelle. Les choses étaient pourtant bien parties pour qu’il puisse vivre la plus belle séquence diplomatique de son mandat actuel. En effet, après le couple royal qui s’annonçait pour mars, le chef de l’Etat congolais, qui a accordé lundi 28 février une audience au nonce apostolique, devrait recevoir la visite du pape François autour du 6 juillet. S’il n’y a pas de désescalade entre la Russie et l’Ukraine, tout déplacement du pape, loin de ses terres du Vatican, deviendrait, là aussi, hautement improbable. Il ne reste donc, pour reprendre l’expression consacrée, qu’à prier pour qu’il n’en soit pas ainsi.
La Rédaction