Les femmes chercheuses à l’honneur à Dakar

Carine KUNSEVI-KILOLA - RDC

La capitale sénégalaise accueille plusieurs chercheuses à la tête bien pleine et bardées de diplômes. Ce jeudi  21 novembre, il y est en effet organisé la 10ème édition du Prix Jeunes Talents Afrique subsaharienne du Programme L’Oréal-Unesco pour les femmes et la Science. Et ce, en présence de la première dame rd-congolaise, Denise Nyakeru Tshisekedi, invitée d’honneur. Cette récompense est, comme son intitulé l’indique, soutenue à la fois par la firme française des cosmétiques, L’Oréal, à travers sa fondation et l’Unesco dont le siège se trouve à Paris. Au départ, 400 candidates évoluant dans les divers domaines des sciences et de l’innovation ont envoyé un dossier. Elles ont ensuite été passées au crible et au tamis par un jury d’éminents experts. Cela a abouti finalement à la sélection de 15 doctorantes et de 5 post-doctorantes issues d’une quinzaine de pays (à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, le Kenya, l’île Maurice, Madagascar, le Nigeria, la RD Congo, le Sénégal et l’Ouganda). Leurs domaines de spécialisation vont de l’informatique à la biologie, en passant par l’ingénierie et les mathématiques. Enjeux africains a opté pour la présentation de deux lauréates sur la vingtaine présente à Dakar. Toutes repartiront avec une enveloppe de 10 000 € pour les doctorantes et de 15 000 € pour les post-doctorantes. Cela leur permettra de voyager afin de nouer des contacts à l’international, de participer à des conférences et autres séminaires à caractère scientifique, mais aussi de mener à bien leurs travaux de recherche souvent ardus. Faisons connaissance avec deux de 20 lauréates, une post-doctorante malgache et une doctorante rd-congolaise :

Dr Henintsoa Onivola Minoarivelo, la mathématicienne

Cette Malgache de 31 ans a toujours les yeux qui pétillent devant une équation mathématique. Après avoir obtenu un master à l’université Stellenbosch, en Afrique du Sud, elle a soutenu ensuite, fin 2015, une thèse de doctorat en mathématiques appliquées à l’écologie. Loin de son pays natal, Madagascar, et de sa famille, cette docteure a préféré poursuivre son séjour au pays de Nelson Mandela afin d’y mener des travaux de recherche post-doctorale. Elle bénéficie d’une bourse nationale pour la recherche octroyée par l’Etat sud-africain. Elle a recours à la modélisation mathématique pour étudier l’apparition de certains phénomènes liés à l’environnement. L’objectif poursuivi par cette chercheuse est d’étudier les effets du changement climatique sur le réseau d’interactions écologiques. «Pendant deux ans, je vais voir l’ampleur du changement climatique sur l’écosystème de la pollinisation et proposer des solutions basées sur quelques types d’espèces à préserver en premier pour limiter les effets d’une dégradation de l’environnement», détaille-t-elle.

 Sa passion a toujours été la recherche et l’enseignement, notamment à l’université. « J’aime transmettre le savoir aux autres », confie-t-elle. Pour gérer sa vie privée, elle compte sur un mari mathématicien, comme elle. Le fait d’appartenir tous les deux au monde académique facilite grandement les choses et rend plus fluides les échanges au sein du couple. Grâce au prix qui lui est attribué par la Fondation L’Oréal et l’Unesco, elle espère donner plus de visibilité à ses recherches, pour mettre surtout en évidence les résultats obtenus. Retourner à Madagascar serait, pour elle, l’idéal. Mais ce qui importe à ses yeux, c’est de pouvoir avant tout faire ce qu’elle aime. Et ce, peu importe l’endroit où elle s’établit. « N’importe où en Afrique », tient-elle toutefois à préciser.

Carine Kunsevi-Kilola, la laborantine

Après avoir obtenu un graduat en techniques médicales (avec comme option les techniques de laboratoire) à l’ISTM, à Kinshasa, cette RD-Congolaise prend le chemin de l’Afrique du Sud où elle s’inscrit à l’Université Stellenbosch. Après une licence et une maitrise en sciences biomédicales, elle entame la rédaction d’une thèse de doctorat dont la soutenance devrait intervenir au second semestre 2020. Elle fait aujourd’hui partie du Groupe de recherche en immunologie au sein de la faculté de médecine et des sciences de la santé, à l’université de Stellenbosch, dans la ville du Cap. Le projet doctoral de cette battante est basé sur la tuberculose et le diabète. « La prévalence de la tuberculose est élevée en Afrique. On y trouve aussi une proportion sans cesse croissante des personnes vivant avec le diabète », explique-t-elle. Or le diabète affaiblit l’organisme et le système immunitaire. Ceux qui en souffrent deviennent par conséquent des personnes à risque et peuvent ainsi attraper aussi la tuberculose. D’après elle, la recherche a déjà prouvé le lien existant entre les deux pathologies. Il s’agit, pour cette chercheuse, d’aller en profondeur et connaître surtout la progression de la tuberculose chez un diabétique. « On aura ainsi une idée assez claire sur ce qui se passe dans l’organisme du patient, ce qui permettra de mieux combattre la tuberculose », insiste Carine Kunsevi-Kilola.

Déjà bénéficiaire d’une bourse locale, elle projette d’utiliser l’enveloppe de 10 000 € allouée par la Fondation L’Oréal et l’Unesco pour prendre part à des conférences à l’étranger, tisser des liens avec d’autres chercheurs, développer des collaborations avec d’autres centres de recherche. Elle s’est déjà rendue par deux fois aux Etats-Unis grâce notamment à la Fondation Bill Gates. Une fois son doctorat en poche, elle espère retourner au pays de l’oncle Sam ou aller au Canada voisin, afin d’y entamer des recherches post-doctorales, dans son domaine de prédilection. « Cela me permettra ensuite de devenir indépendante », espère Carine Kunsevi-Kilola. Dans sa tête germe déjà un projet de création d’une association en RD Congo pour inciter les jeunes – et surtout les jeunes filles – à suivre sa voie, mais aussi leur apprendre à capter les bourses étrangères, aujourd’hui inaccessibles. Son retour à Kinshasa est déjà programmé. Elle compte s’insérer dans les programmes de recherche qui existent déjà sur place. Son rêve ? Y créer ensuite son propre laboratoire de recherche. Elle déplore le peu d’intérêt des autorités rd-congolaises pour la recherche. Elle admire cependant le courage du Pr Jean-Jacques Muyembe, le virologue dont les travaux ont abouti à la découverte d’un vaccin contre la maladie à virus Ebola. « Il faut que le nouveau pouvoir et l’actuel gouvernement soutiennent la recherche scientifique, notamment à l’université », plaide-t-elle. Et d’ajouter que de nombreuses expérimentations peuvent être réalisées sur les plantes médicinales afin d’en découvrir les vertus. Vaste Programme !

Dr Henintsoa Onivola MINOARIVELO- Madagascar
Invitée d’honneur, la première dame rd-congolaise, Denise Nyakeru Tshisekedi, pose avec sa compatriote Carine Kunsevi-Kilola

La Rédaction

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