L’homme politique et fondateur du parti politico-religieux Bundu dia Mayala, Ne Muanda Nsemi, est décédé ce mercredi, 18 octobre, au Centre hospitalier Nganda, à Kinshasa.
Le chef spirituel Ne Muanda Nsemi n’est resté que 24h dans cet établissement. Il y est en effet admis le mardi 17 octobre. A en croire un responsable de l’hôpital, situé en face du cimetière de Kintambo, l’homme était déjà dans un état critique. Son corps se trouvait, au moment où nous mettions en ligne, au service des soins intensifs. Ses grands enfants attendaient l’arrivée de leur mère pour transférer la dépouille vers la morgue du Cinquantenaire. Ses partisans ont eu le temps de se rassembler à l’extérieur du centre hospitalier dans le silence, espérant néanmoins apercevoir l’ambulance transportant le corps de leur chef spirituel.
De son vrai nom Zacharie Badiengila, ce Ne Kongo, capable de haranguer ses adeptes pour les inciter à l’action, était un homme politique mâtiné de guide religieux, issu de la province du Kongo Central où son mouvement recrute de nombreux militants, jeunes pour la plupart. Reconnaissables par un bandeau rouge sur le front, ces derniers obéissaient au doigt et à l’œil à leur chef spirituel et étaient prêts à se sacrifier pour lui s’il le fallait. Leur fait d’arme dans la capitale est l’attaque, en 2017, de la prison centrale de Makala où ils auraient libéré de nombreux prisonniers et aidé à l’évasion spectaculaire de leur leader charismatique. Mais, le mouvement a perdu de sa superbe depuis le saccage de la résidence de Ne Muanda Nsemi dans la commune de Ngaliema par les forces de l’ordre. Ses partisans, qui portent des amulettes, se croient aussi hors d’atteinte par n’importe quelle munition. Eux utiliseraient en revanche le noyau de noix de palme pour se défendre ou attaquer. La secte a eu maille à partir avec le régime de Joseph Kabila. Le défunt leader a toujours accusé le pouvoir précédent d’avoir massacré ses partisans au Kongo Central. Pendant longtemps, il a aussi réclamé – notamment par la force – ses indemnités d’ancien parlementaire.
A l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, en janvier 2019, un début de dialogue a été amorcé pour tenter de calmer le bouillant chef spirituel, qui a le verbe haut. Ses interventions au Palais du peuple ont marqué les esprits. La désescalade verbale est intervenue après la visite de la Première dame, Denise Nyakeru Tshisekedi, à qui il a transmis un message pour le chef de l’Etat qu’il appelait « mon neveu ». Ce dernier s’est montré soucieux de le rétablir dans ses droits et surtout de l’aider à se soigner. Il attendait un poste au sein du gouvernement ou comme mandataire public.
Contrairement à ses habitudes, Ne Muanda Nsemi ne donnait plus de la voix depuis un bon bout de temps. Ses apparitions devenaient de plus en plus rares depuis 2021. Son état de santé se dégradait aussi. Il a notamment été emmené dans beaucoup de centres sanitaires pour y être soigné, mais le mal dont il souffrait n’a pas été publiquement révélé. Par le passé, il a aussi été suivi au CNPP sur le campus universitaire, situé sur les hauteurs de Kinshasa.
A moins de trois mois de la tenue d’une élection présidentielle en RDC, la disparition de leur chef spirituel pourrait plonger les militants de Bundu dia Mayala dans un profond désarroi. Seront-ils reconnaissants à Félix Tshisekedi d’avoir pu régler certains problèmes de leur guide suprême ? Ce dernier a-t-il laissé un testament politique contenant un mot d’ordre pour le choix à faire le 20 décembre prochain lors du scrutin présidentiel ? Félix Tshisekedi se rendra-t-il en personne aux obsèques de Ne Muanda Nsemi ? Cette cérémonie aura sans nul doute des relents et des arrière-pensées politiques. A suivre !
Jean-Mathis Foko