L’agence de notation panafricaine Bloomfield attribue la note de BBB à long terme et A2 à court terme à la République démocratique du Congo (RDC), en monnaie locale, ce qui équivaut à un « risque modéré » sur le long terme.
Bloomfield Investment Corporation, agence de notation panafricaine, a présenté le 20 Juin 2022, à la RDC, les résultats de sa première notation financière souveraine, en monnaie locale, en présence de la gouverneure de la Banque centrale du Congo (BCC), Marie-France Malangu Kabedi-Mbuyi et du ministre des Finances, Nicolas Kazadi.
A l’instar de nombreux pays du continent, comme le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, la RDC a sollicité une notation en monnaie locale de la part de l’agence panafricaine Bloomfield. La RDC obtient une note BBB (Note d’investissement – Risque modéré) avec une perspective stable, à long-terme. Et une note A2 (Note d’investissement – Risque faible) avec une perspective stable, à court-terme.
Cette note A2, perspective stable, sur le court terme, traduit le fait que « La certitude de remboursement en temps opportun est bonne. Les facteurs de liquidité et les éléments essentiels des sociétés sont sains. Quoique les besoins de financement en cours puissent accroître les exigences totales de financement, l’accès aux marchés des capitaux est bon. Les facteurs de risque sont minimes », commente l’agence.
Sur le long terme, la note BBB (perspective stable) signifie que « pour un investisseur prudent, les facteurs de protection appropriés sont considérés suffisants. Cependant, il existe une variabilité considérables de risques au cours des cycles économiques », précise l’agence. Ces notes classent la RDC dans la catégorie des nations où l’investissement présente un « risque modéré ».
Les facteurs de fragilité
Pour justifier cette notation, « dans son rapport de notation Dette Souveraine », Bloomfield met en exergue des facteurs de fragilité comme le risque sécurité et politique qui persiste, avec notamment l’absence de certains partis politiques dans le dialogue politique avec le gouvernement et des attaques de rebelles récurrentes dans le nord et l’est du pays, ce qui entraîne des déplacements importants de populations.
Le pays reste confronté à des défis important sur le plan sanitaire et social. Difficile d’évaluer les besoins avec précision quand on sait que le dernier recensement de la population remonter à … 1984. La crise du Covid a aggravé la pauvreté, qui touchait déjà 73 % de la population, selon une estimation de 2018. Outre le Covid, le pays est confronté à des crises sanitaires récurrentes (Ebola, rougeole) qui traduisent aussi la faiblesse des structures de soins.
Du point de vue économique, le plus gros point faible vient de la dollarisation. « Ce choix public de la dollarisation de l’économie du pays constitue de plus en plus une trappe de risque systémique », prévient Bloomfield. Cela implique aussi que la Banque centrale n’a pas le contrôle sur les devises en circulation. L’agence de notation souligne aussi le risque de change qui pèse sur la dette extérieure dont 65 % est libellée en devises, avec une majorité en dollars. Une fluctuation du taux de change dollar/franc congolais pourrait alourdir la dette, or il n’existe pas de mécanisme formel de couverture de ce risque.
Les facteurs positifs
De manière générale, l’économie congolaise s’est montrée résiliente en 2020 (1,7%) et avec des taux de croissance prévue de 6,1 % et 7 % pour 2022 et 2023. L’économie repose largement sur le secteur minier. Hormis le secteur minier, la construction et les transports et communications sont particulièrement dynamiques.
L’agence de notation souligne aussi l’exécution budgétaire globalement satisfaisante et des recettes internes en amélioration continue. L’endettement public demeure modéré, avec 15 % du PIB, soit l’un des taux les plus faible du continent. Pour son financement extérieur, la RDC s’oriente en priorité vers des emprunts concessionnels type Banque mondiale ou Fonds monétaire international (70 %), ce qui permet au pays de bien contenir le service de la dette.
Parmi les facteurs positifs, l’agence de notation met en avant le caractère ambitieux du plan d’action 2021-2023 dont l’objectif est de diversifié l’économie, tout en améliorant la gouvernance et l’inclusion de tous, notamment à travers le programme de développement local des 145 territoires. A cela s’ajoute un plan de réformes de la gestion des finances publiques. « La poursuite des réformes devrait avoir un impact positif sur la mobilisation des recettes publiques et de la qualité de la dépense publique » ajoute le rapport.
Pour le secteur privé, Bloomfield qualifie le climat des affaires de « favorable ». Le travail de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI) s’est vu renforcé par le concours de la cellule climat des affaires de la Présidence depuis trois ans. « Ces deux structures aux objectifs bien distincts favorisent davantage le dialogue entre les acteurs du public et du privé et améliorent périodiquement le climat des affaires », se réjouit Bloomfield.
Les progrès à faire
Parmi les points à améliorer, Bloomfield suggère de mettre l’accent sur le niveau d’exécution des dépenses d’investissement qui restent largement en deçà des prévisions budgétaires. Dans le domaine social, les réformes doivent être poursuivies et renforcées. Pour l’éducation, il s’agit de créer un système équitable et de qualité, avec la mise en place de la gratuité effective de l’école primaire, de l’extension du cycle de base à 8 années et de l’adapter à l’insertion sociale des jeunes. Dans le secteur de la santé, le défi à relever reste l’accès aux soins de santé de qualité.
La RDC doit aussi se sortir de l’impasse la dollarisation de son économie, qui favorise l’inflation, déprécie la monnaie locale et qui contraint fortement les marges de manœuvres de la politique monétaire. «La Banque centrale du Congo est obligée de procéder de manière mensuelle à un réajustement de ses instruments de politique monétaire », note le rapport. Les réserves de changes étaient évaluées en mars 2022 à 2,6 mois d’importations.
La RDC est aussi suivie par les agences de notation internationales. Moody’s a changé la perspective de la notation (en devises étrangères) de la RDC de « Caa1, Perspective Stable » à « Caa1, Perspective Positive » en vue d’un éventuel rehaussement de la notation. En janvier 2022, l’agence Standard & Poor’s a rehaussé la notation de la RDC de « CCC+, Perspective Positive » à « B-, Perspective Stable ». Cette remontée des notes témoignent de l’évolution positive de l’économie congolaise.
Anne Lauris