Partira, partira pas ? La question sur le sort du gouverneur de la BCC, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, est sur toutes les lèvres tant dans la sphère politique que dans l’univers feutré des banques congolaises. Les rumeurs sont entretenues sur les réseaux sociaux par ceux qui postent, toutes les semaines, des messages ou des brèves sur les changements attendus à la Banque centrale. A chaque conseil des ministres, les yeux sont en effet rivés sur les téléphones portables ou les ordinateurs pour tenter de savoir si l’institution bancaire figure bien à l’ordre du jour. Une chose est sûre : le suspense tend vers la fin, d’autant que la RDC s’est engagée à mettre pleinement et rapidement en œuvre la loi organique du 13 décembre 2018 portant organisation et fonctionnement de la BCC. Il y a deux semaines, le président de la République, Félix Tshisekedi, a annoncé la mise en application des mesures préalables convenues avec le Fonds monétaire international (FMI). Et ce, avant l’approbation par le conseil d’administration du Fonds du programme triennal négocié avec le gouvernement congolais. Selon nos informations, les administrateurs du FMI devraient se réunir d’ici à la mi-juillet.
Lors des négociations sur le programme élaboré par les Congolais, le FMI leur a adressé une liste des mesures préalables à satisfaire avant que leur dossier ne soit examiné et validé par son conseil d’administration à Washington, siège de l’organisme international. La BCC figure bien en bonne place parmi ces mesures. Le FMI exige la nomination des nouveaux commissaires aux comptes pour remplacer ceux en poste depuis au moins 2004. « Il se pose en effet un problème d’indépendance et de crédibilité dans leurs opinions après tant d’années passées au service la banque. Les avis qu’ils émettent peuvent-ils encore être objectifs ? », s’interroge-t-on à Washington. Une autre exigence du FMI concerne le renouvellement du conseil d’administration de la BCC dont certains membres, sur un total de sept, sont en poste depuis 2003. C’est notamment le cas du Pr Tshiunza Mbiye pour le monde scientifique et celui du patron des patrons, Albert Yuma, qui y représente le monde des affaires.
Dans le cadre d’un nouveau programme, les experts du Fonds ont estimé qu’il était temps de remplacer les membres en question, qui totalisent, pour certains d’entre eux, 18 ans de présence au sein de cet organe de décision de la BCC. Il est en effet difficile pour le FMI de continuer à traiter avec une banque centrale dont certains administrateurs sont allés au-delà de leur mandat. L’exigence des experts du Fonds a été bien comprise par les autorités congolaises et par la haute direction de la BCC.
Reste maintenant à savoir comment s’opéreront ces changements dont l’imminence ne fait aucun doute. En effet, le conseil d’administration de la BCC va être élargi pour compter désormais onze membres au lieu de sept actuellement. Sur ce total, trois proviendront directement de la haute direction de la banque. Il s’agit du gouverneur et de deux vice-gouverneurs. Là encore, il faut préciser que la BCC compte à l’heure actuelle un seul vice-gouverneur, en la personne de Jules Bondombe. Mais la loi organique de 2018 a créé un deuxième poste de vice-gouverneur, resté vacant depuis lors. Ce dirigeant devrait être nommé en conseil des ministres. Dans la pratique, le premier vice-gouverneur remplacera le gouverneur en cas d’empêchement tout en s’occupant de la mission principale de la BCC : assurer la stabilité des prix. Quant au deuxième vice-gouverneur, il se consacrera, pour sa part, à l’autre mission de la banque qu’est la stabilité financière.
Les nominations attendues, à coup sûr, sont donc celles des huit nouveaux membres du conseil d’administration, et aussi du deuxième vice-gouverneur siégeant automatiquement comme neuvième membre dudit conseil. Selon la loi organique de 2018, le ministre des Finances – en l’occurrence Nicolas Kazadi –, la Fédération des entreprises du Congo (FEC, le patronat local), le monde scientifique et l’actuel gouverneur de la BCC, Deogratias Mutombo, doivent déposer chacun une liste de trois noms auprès des autorités compétentes. Deux noms seront retenus ensuite sur chaque liste pour former un total de huit membres. Cette désignation ne présente aucune difficulté particulière. A ce jour, d’après nos informations, l’administrateur délégué de la FEC, Kimona Bononge, et l’actuel gouverneur de la BCC, ont déjà envoyé leurs listes respectives. Il ne fait donc pas de doute que les noms de ces huit nouveaux membres du conseil d’administration devraient être révélés très rapidement.
Ces changements s’arrêteront-ils là ? Ou le président de la République, Félix Tshisekedi, ira-t-il au-delà en renouvelant par exemple tout le conseil d’administration ? Ce qui sous-entend une éviction de l’actuelle haute direction de la BCC. Or, le deuxième et dernier mandat du gouverneur ne prendra fin qu’en 2023. Il peut théoriquement conserver son poste. Mais deux écoles s’affrontent sur le sort qui lui sera réservé. Certains experts, auxquels se joint l’économiste Noël Tshiani, soutiennent en effet un changement du staff dirigeant de la banque pour donner un nouveau départ à cette institution qui gère la monnaie nationale. Selon eux, le gouvernement ou la présidence de la République n’aura aucun mal à justifier une telle mise à l’écart. D’autres experts font en revanche entendre un autre son de cloche. Eux estiment qu’il n’est pas opportun de bousculer l’équipe dirigeante de la BCC, qui a aussi contribué à l’élaboration et à la négociation ayant abouti à la conclusion d’un accord avec le FMI en vue de la mise en œuvre d’un programme triennal soutenu financièrement par l’institution de Bretton Woods à hauteur de 1,5 milliard de dollars. L’idéal, pour les tenants de la deuxième école, serait de laisser l’actuel gouverneur, Deogratias Mutombo, aller jusqu’au terme de son mandat en 2023. Ou alors, ajoutent-ils, laisser l’équipe en place accompagner le gouvernement dans le démarrage du programme négocié avec le FMI quitte à la faire partir un peu plus tard. De ces deux écoles, laquelle aura raison ? La réponse ne saurait tarder, au regard du calendrier qui a été fixé d’un commun accord par la partie congolaise et les experts du Fonds.
La rédaction