C’est un score soviétique que s’est permis Tidjane Thiam face à son rival dans la lutte pour le fauteuil de président de la plus vieille formation ivoirienne, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) fondé en 1946.
Le 22 décembre dernier, à Yamoussoukro, l’ex-patron du Crédit Suisse, de 2015 à 2020, a recueilli 4001 voix contre 134 pour Jean-Marc Yacé, actuel maire de la commune abidjanaise de Cocody. Soit 96,48% des voix pour le vainqueur, contre 3,22% pour le perdant.
Ils étaient cinq au départ à briguer la succession d’Henri Konan Bédié (deuxième président du PDCI, après Félix Houphouët-Boigny), décédé le 1er août dernier. Pour départager les cinq concurrents, le 8ème congrès extraordinaire du parti, prévu initialement le 16 décembre à Abidjan, s’est finalement tenu le 22 décembre à Yamoussoukro, en présence de plus de 6 000 congressistes. Plusieurs candidats (Noël Akossi Bendjo, ex-maire de la commune du Plateau, le quartier des affaires d’Abidjan et ancien patron des rénovateurs du PDCI, Maurice Kakou Guikahué, ex-secrétaire exécutif du parti et ex-ministre de la Santé et l’ancien ministre de l’Economie Moïse Koumoué) ont finalement fait machine arrière, préférant apporter leurs soutiens à l’ex-banquier Tidjane Thiam.
Dans ce jeu de rôles, il y a eu plusieurs symboles. Ce sont finalement deux petits neveux de deux dinosaures de haut vol du parti septuagénaire qui se sont retrouvés à se disputer le même héritage dans un duel au couteau. Tidjane Thiam n’est rien d’autre que le petit-neveu de Félix Houphouët-Boigny, père fondateur du parti, premier président du parti et de la Côte d’Ivoire. Jean-Marc Yacé est, lui, le petit-neveu d’un certain Philippe Grégoire Yacé, qui a longtemps été le compagnon de route du sage de Yamoussoukro. Philippe Yacé sera, en 1959, le premier président de l’Assemblée législative, qui deviendra l’Assemblée nationale quand Félix Houphouët-Boigny prendra la tête du pays en 1960. Les deux loups se rendaient des coups de velours, partageant une rivalité fraternelle à la fois à la tête du parti, alors parti unique, et dans la gestion du pays.
L’autre symbole est que le PDCI s’est retrouvé à jouer cet épisode de la succession sur les terres natales du premier président Félix Houphouët-Boigny. Capitale politique du pays, Yamoussoukro est aussi le chef-lieu du district des Lacs, dirigé par un certain Augustin Thiam, ministre-gouverneur, frère aîné de Tidjane. Augustin Thiam étant, lui, affilié plutôt au Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), la formation d’Alassane Ouattara, au pouvoir.
Dernier symbole, avec cette élection du banquier franco-ivoirien, le PDCI se met en selle pour la présidentielle de 2025. Entre Tidjane Thiam et Alassane Ouattara, beaucoup y voit déjà une similitude de profils.
Joris Gninfan