FMI-RDC : En attendant le déblocage de 216 millions de dollars

La cheffe de mission du FMI, Mercedes Vera Martin, et ses interlocuteurs congolais.

Croissance du PIB, réduction du déficit, reprise des activités du secteur minier, inflation modérée, perspectives intéressantes…La situation macroéconomique congolaise s’est améliorée, selon le Fonds monétaire international, mais elle peut être impactée par les conséquences de la guerre en Ukraine.

La lune de miel continue entre le Fonds monétaire international (FMI) et la République démocratique du Congo depuis leurs retrouvailles, le 15 juillet dernier, avec l’approbation par l’institution financière d’un programme triennal en faveur de Kinshasa doté d’une enveloppe de 1,52 milliard de dollars. Avec de nombreux préalables, notamment passer avec satisfaction les revues semestrielles prévues dans le programme de la Facilité élargie de crédit (FEC). C’est dans ce cadre qu’une mission de l’institution de Bretton Woods a séjourné récemment (du 1er au 7 mars) dans la capitale congolaise. Cette rencontre est le prélude à la tenue, fin avril ou début mai, de la deuxième revue du programme qui doit aboutir à un décaissement financier supplémentaire si le gouvernement passe avec succès cette nouvelle étape. Un rendez-vous important pour Kinshasa pour faire face aux conséquences néfastes de la crise sanitaire du Covid-19, et financer le Programme de développement local des 145 territoires (PDL-145T), lancé en octobre dernier, qui vise à promouvoir l’émergence des économies des territoires, améliorer les conditions et cadres de vie des populations rurales, éradiquer la pauvreté multidimensionnelle…

Conscient de l’enjeu, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, lors du conseil des ministres du 4 mars, a sonné la mobilisation générale des troupes. « Le Premier ministre, chef du gouvernement, ainsi que le ministre des Finances ont été invités à ne ménager aucun effort pour accélérer, au travers les agences d’exécution, la réalisation des travaux en vue de maximiser le taux d’absorption des ressources de la première tranche des DTS de [216] millions USD », peut-on lire dans le compte-rendu de la réunion. Depuis la signature du programme triennal, le gouvernement congolais applique strictement l’ordonnance prescrite par le FMI. Avec des résultats satisfaisants. Après une évaluation globale de la situation économique du pays, la délégation du Fonds, conduite par Mercedes Vera Martin, a estimé que la RDC a bénéficié d’un  rebond économique en 2021, avec une croissance estimée à 5,7 %. La cheffe de mission, après une réunion de la Troïka politique (ministère des Finances, du Budget et Banque centrale du Congo), présidée par le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, a estimé que cette croissance était soutenue par une reprise des secteurs minier et des services. L’inflation s’élevait à 5,3 % à la fin de 2021. Celle-ci devant rester modérée, la Banque centrale du Congo (BCC) a réduit le taux d’intérêt directeur de 100 points de base à la fin de 2021. Des estimations préliminaires suggèrent que le déficit du compte courant s’est réduit à 1 % du PIB en 2021, contre 2,2 % du PIB en 2020, grâce à des exportations minières en hausse. Ces évolutions extérieures favorables et l’allocation générale de DTS, fin août, ont permis d’augmenter significativement le niveau des réserves internationales brutes. Le solde budgétaire global s’est amélioré en 2021 en raison de la hausse des recettes et du fait que les investissements publics sont restés inférieurs aux prévisions.

Des risques liés aux conséquences de la guerre en Ukraine

Tout en saluant ces bonnes performances, malgré l’effet Covid, les experts de Washington ont appelé le gouvernement congolais à la vigilance et à la prudence pour échapper aux différents risques d’inflation liés aux conséquences de la guerre en Ukraine. « Les perspectives pour 2022 restent favorables, mais les risques à la baisse qui pèsent sur les perspectives ont fortement augmenté et appellent à accumuler des réserves et à maintenir des politiques macroéconomiques prudentes pour renforcer la résilience aux chocs externes. La hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires et de l’énergie en lien avec la crise due au conflit en Ukraine et la volatilité des prix des minéraux présentent des risques pour l’inflation et la croissance », a mis en garde Mercedes Vera Martin. En effet, toutes les analyses s’accordent sur le fait que la guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février dernier par le président Vladimir Poutine, et les sanctions internationales contre la Russie auront un sérieux impact sur l’économie mondiale encore en rémission de la pandémie de Covid. Ce qui va entraîner des pressions supplémentaires sur les budgets des Etats.« La hausse des prix du pétrole génère d’importantes pressions budgétaires en raison de subventions non ciblées(…), ce qui réduit l’espace budgétaire pour les dépenses sociales et d’infrastructure nécessaires », selon la cheffe de mission du FMI qui a appelé à la transparence dans la fixation des prix du carburant et à « surveiller de près l’impact de ces subventions sur le budget ».

L’institution financière va donc garder l’œil sur la mise en œuvre de la loi des finances 2022 du gouvernement, qui doit être conforme au cahier des charges du programme conclu entre les deux parties, tout en réaffirmant sa volonté de poursuivre la coopération avec Kinshasa , car la situation économique s’est améliorée et les perspectives intéressantes. A condition  d’accélérer les réformes structurelles. « L’équipe et les autorités ont discuté des possibilités d’intensifier les réformes structurelles pour soutenir la reprise. Une fois approuvées par le Parlement, la nouvelle loi sur les banques commerciales et la loi anti-blanchiment contribueront à renforcer la supervision bancaire. L’amélioration de la gouvernance, en particulier dans la gestion des ressources extractives et des finances publiques, et l’amélioration du climat des affaires soutiendront une croissance tirée par le secteur privé. L’avancement des réformes structurelles augmentera la résilience économique, contribuera à diversifier l’économie et à améliorer le niveau de vie des citoyens congolais », a souligné Mercedes Vera Martin.

Dans tous les cas, du côté du gouvernement, on ne cache pas son optimisme quant à une issue favorable de la prochaine rencontre avec le FMI dans le cadre de la deuxième évaluation du programme FEC, qui doit déboucher sur le déblocage de 216 millions de dollars. Mais les autorités congolaises en veulent davantage et sollicitent plus de flexibilité de l’institution pour débloquer une tranche supplémentaire d’ici à la fin de l’année. Une possibilité qui sera discutée le mois prochain lors de la deuxième évaluation du programme.

Jean-Vincent Tchienehom (avec la Rédaction)