Angola: Voyage au cœur du système dos Santos

Le long règne de José Eduardo dos Santos est décrit dans un livre (*) qui se lit comme un roman. Cette saga familiale met en scène un père autoritaire, une fille milliardaire mais aussi un successeur pressé de tourner la page des années dos Santos, à la tête du pays.

Pour un lecteur qui suit avec inattention l’actualité angolaise, plonger dans le livre d’Estelle Maussion permet un rattrapage à moindre coût, une mise à jour rapide de ses connaissances sur cette ancienne colonie portugaise située en Afrique australe. Quand on ouvre ce livre, on a envie d’aller jusqu’au bout avant de le refermer. Ancienne correspondante de Radio France internationale (RFI) et de l’Agence France Presse (AFP) à Luanda, la journaliste a trouvé le bon tempo pour narrer la transformation progressive du pouvoir de José Eduardo dos Santos dont le long règne a duré 38 ans. Petit à petit, le puzzle d’un personnage énigmatique se met en place.

Difficile cependant de le cerner complètement tant l’homme a su cacher en public ce qui pouvait aider à le mettre à nu ou le décortiquer. L’exercice auquel s’est livrée l’auteure revêt néanmoins un intérêt certain : celui de nous permettre de comprendre les enjeux de ce qui s’est joué en Angola ces dernières années, mais aussi de mettre en perspective les actions de détricotage de l’œuvre de dos Santos entreprises rapidement par son successeur Joao Lourenço. Dès son élection, le nouveau chef de l’Etat pourtant adoubé par son prédécesseur n’a pas perdu de temps. Il s’est attelé à amoindrir l’influence du clan dos Santos dans la conduite des affaires de l’Etat et à montrer qu’il était pleinement le Président. Eduardo dos Santos, qui a voulu conserver encore un temps la direction du parti au pouvoir depuis l’indépendance, le MPLA, a fini par capituler.

Son successeur voulait vite exercer les pleins pouvoirs. Comme l’explique parfaitement Estelle Maussion, le clan dos Santos est rapidement – et surtout brutalement – tombé de son piédestal. Les enfants de l’ancien président, qui étaient sur le devant de la scène, ont vite déchanté. Ils ont compris que le vent avait tourné. Le passé a fini par les rattraper. Certains ont crié à l’acharnement, d’autres à une chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom. Isabel, visiblement la plus choyée des enfants du clan dos Santos, a perdu la gestion de la Sonangol, la société de pétrole du pays. Son frère, José Filomeno, qui gérait le fonds souverain, a été incarcéré puis libéré. Ulcéré, le patriarche a préféré s’éloigner, pour aller ruminer sa colère en Espagne.

Regrette-t-il le choix de son dauphin ? S’est-il trompé de personne ? On ne le saura peut-être jamais. Une chose est  cependant sûre : le moment de passer la main à un autre ne pouvait plus être repoussé. L’auteure en donne plusieurs raisons dans le livre. La principale est que la dos Santos Compagny était arrivée à bout de souffle. Impossible de régénérer le système. Tout a une fin. Mais l’ancien numéro un du MPLA a-t-il dit son dernier mot ? Avec la fortune amassée, ses enfants ou petits-enfants ne tenteront-ils pas un jour de redorer le blason terni de la famille dos Santos ? La suite du feuilleton s’annonce aussi passionnante que les 205 pages noircies par Estelle Maussion.

Jean-Mathis Foko

(*) La dos Santos Company par Estelle Maussion, éditions Karthala, 10 euros.

Eduardo dos Santos
>