Contesté depuis plusieurs mois pour son incapacité à juguler la crise sécuritaire qui frappe le Burkina depuis janvier 2016, le président Roch Marc Christian Kaboré a été renversé lundi 24 janvier par un putsch conduit par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, un élément de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) sous Blaise Compaoré. Un corps qu’il avait quitté après les mutineries de 2011. A 41 ans, il a été porté par ses camarades à la tête du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), l’organe désormais en charge de la gestion du pays.
Comme Ibrahim Boubacar Keïta au Mali, Roch Marc Christian Kaboré ne va donc pas terminer son second mandat à Kossyam, siège de la présidence du Faso. Lundi 24 janvier, il a été renversé par un groupe de militaires qui ont pris le pouvoir avec à leur tête, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, 41 ans, désormais président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). Dans un communiqué lu sur les antennes de la télévision nationale, le capitaine Sidsoré Kader Ouédraogo (le chemin de la vérité en langue mooré) a indiqué que le MPSR avait décidé de mettre fin au pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré, lui reprochant son incapacité à unir les Burkinabè pour faire face à la crise sécuritaire qui frappe le pays depuis janvier 2016.
Depuis plusieurs semaines, de nombreux Burkinabè, particulièrement les jeunes étaient descendus dans les rues dans plusieurs villes du pays pour apporter leur soutien aux Forces de défense et de sécurité (FDS) et aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) déployés sur les différents théâtres d’opérations face à des terroristes qui ne cessaient de gagner du terrain, notamment dans les régions du Nord, du Centre-Nord, du Sahel et du Mouhoun. Ils entendaient aussi dénoncer la mal gouvernance du régime du président Kaboré, réélu dès le premier tour pour un second et dernier mandat en novembre 2020. Plus de 2000 personnes, forces de défense et civils compris sont tombés sous les balles des terroristes ; plus de 2000 écoles sont fermées sur l’ensemble du territoire et 1,5 million de personnes déplacées internes (PDI) ont été enregistrées. Dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 janvier, des tirs à l’arme lourde avaient été entendus dans plusieurs casernes du pays, des mouvements qui avaient dans un premier temps été perçus comme de la mutinerie, avant d’apparaitre comme les prémices d’un coup d’Etat conduit par des officiers de l’armée.
Devant un camp militaire situé à l’ouest de la capitale, des Ouagalais expriment ouvertement leur soutien aux mutins et les encouragent à poursuivre leurs mouvements. La nuit suivante, c’est-à-dire, celle de dimanche à lundi, aux environs de 22 heures, des tirs sont à nouveau entendus à la Patte d’Oie, un quartier de la capitale où habite la famille du président Kaboré. Au petit matin, les Ouagalais découvrent des véhicule 4×4 criblés de balles dont un présenté comme étant celui du président et comportant des traces de sang sur les sièges. “En réalité, tout s’est joué dans la nuit de dimanche à lundi quand les putschistes ont tenté d’arrêter le président qui s’était réfugié dans la cour familiale. Il y a eu des échanges de tirs entre eux et les éléments qui assurent la garde du président” confie une source sécuritaire. Dans leur déclaration, les putschistes ont indiqué que tout s’est déroulé sans violence, mais tout laisse penser le contraire. Comme il fallait s’y attendre, la junte, qui s’est emparée du pouvoir, a annoncé plusieurs mesures, notamment la fermeture des frontières aériennes et terrestres, la dissolution du gouvernement ainsi que celle de l’Assemblée nationale et l’instauration d’un couvre-feu de 21 h à 5 heures du matin. En attendant la formation d’un nouveau gouvernement, les secrétaires généraux des ministères sont chargés d’expédier les affaires courantes.
Ce coup de force, qui renverse le dernier gouvernement formé le 10 décembre 2021 et conduit par Lassina Zerbo, a certes été – sans surprise – condamné par la Cédéao, l’organisation sous-régionale regroupant 15 Etats. Mais, pour le nouvel homme fort du «Pays des hommes intègres», le soutien du peuple burkinabè importe plus que les condamnations internationales. Pour l’instant, en dehors du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti au pouvoir qui a clairement condamné le putsch, les autres formations politiques, les associations de la société civile et les syndicats observent un silence assourdissant et se concertent afin de définir une ligne de conduite dans les heures à venir.
Wahab Ilboudo (à Ouagadougou)
Qui est Paul-Henri Sandaogo Damiba ?
Diplômé de l’Ecole militaire de Paris, Paul-Henri Sandaogo Damiba est âgé de 41 ans et est titulaire d’un master 2 en sciences criminelles du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Paris. Il a également obtenu un certificat d’expert de la Défense en management, commandement et stratégie. Comme beaucoup d’officiers de sa génération, il a fait ses classes au sein de l’ex- Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’élite de l’armée burkinabè sous Blaise Compaoré avant d’être dissout en 2015 après l’échec du putsch du général Gilbert Diendéré. Après les mutineries de 2011, Damiba est affecté à Dori, dans le Sahel, puis à Ouahigouya, dans le Nord en tant que commandant du 12ème Régiment d’infanterie commando. Il est par la suite nommé au 30ème Régiment de commandement d’appui et de soutien (RCAS) au camp Gal Baba Sy, au sud de Ouagadougou. Il y a quelques semaines, il a en outre été bombardé commandant de la 3ème Région militaire, comprenant Ouagadougou, Koudougou, Fada N’Gourma et Manga. Il a publié l’an dernier “Armées ouest-africaines et terrorisme, réponses incertaines ?”, un livre qui traite des questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme.
W. I.