Elections en Afrique du Sud : L’ANC au pied du mur

Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, pendant la campagne électorale.

C’est l’heure du choix pour les Sud-Africains qui se rendent, ce mercredi, 29 mai, aux urnes pour élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Le Congrès national africain, qui a toujours été majoritaire depuis les premières élections multiraciales en 1994, devra cette fois batailler dur pour conserver sa majorité.

Quelque 27 millions de personnes, sur une population de 62 millions d’habitants, se rendront aux urnes le 29 mai pour élire leurs députés, qui désigneront, par la suite, le prochain chef de l’Etat. C’est le trentième scrutin après la fin de l’apartheid en 1994. Des consultations toujours remportées par le Congrès national africain (ANC), le parti de Nelson Mandela, avec des scores toujours au-dessus de 60% des suffrages. Mais, les lignent ont depuis bougé et le scrutin de 2024 s’annonce comme le plus serré pour le parti au pouvoir. Selon plusieurs analyses, il pourrait tomber sous la barre des 50%, dans un contexte économique et social morose, marqué par le chômage, des inégalités toujours plus criantes, un taux de criminalité croissant, de graves crises énergétiques, et des scandales de corruption, qui ont terni l’image du parti. Lors des élections locales de 2021, l’ancien parti anti-apartheid n’avait obtenu que 46% des voix, ne bénéficiant plus du soutien populaire qui faisait sa force.

Dans le même temps, l’ANC est de plus en plus fragmenté par des divisions internes. Suspendu du parti, l’ancien président Jacob Zuma (2009-2018) a annoncé, le 16 décembre 2023, qu’il ne fera pas campagne pour le parti qu’il a servi depuis sa jeunesse, et a appelé à voter pour un petit parti radical récemment créé, Umkhonto We Sizwe (MK), nom de l’ancienne branche armée de l’ANC. Candidat à un siège de député, il a été déclaré, le 20 mai, par la Cour constitutionnelle inéligible en raison d’une condamnation à la prison en 2021, et prononcé son exclusion des élections générales. Cet empêchement ne devrait pas toutefois réduire sa force de nuisance. Surtout dans la province du Kwazulu-Natal, son fiel natal, où le sulfureux leader, 82 ans,conserve une influence significative. Le MK pourrait rogner les voix de l’ANC. Mis à part l’ancien président Zuma, une autre figure historique du parti arc-en-ciel, Ace Magashule, ancien secrétaire général, mis au ban de la formation en 2021 pour corruption, a annoncé, fin août dernier, la création de sa propre formation, le Congrès africain pour la transformation. Des dissidences contre lesquelles le président Cyril Ramaphosa et l’ANC luttent pour conserver la majorité absolue.

Une situation dont le principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (AD), qui attire entre un quart et un tiers de l’électorat, entend tirer profit. Elle a conclu une alliance, Charte multipartite pour l’Afrique du Sud, avec six autres petits partis et appelé « toutes les bonnes volontés à les rejoindre » pour déloger l’ANC. Mais l’AD souffre de l’image d’être considérée comme un parti dominé par les Blancs. Dans ce contexte, il lui sera difficile de renverser l’ANC. Cependant, elle pourrait, selon des experts, faire perdre pour la première fois la majorité parlementaire au parti au pouvoir. « Les sondages suggèrent que l’ANC pourrait recueillir moins de 50 % des voix au niveau national pour la première fois de son histoire, ce qui reflète les tendances observées lors des récentes élections municipales et locales », soulignait, en janvier dernier, le Centre d’études stratégiques de l’Afrique. Contraignant le vieux parti à nouer des coalitions pour obtenir les 201 voix nécessaires pour réélire Cyril Ramaphosa, âgé de 71 ans, et former un gouvernement. Dans une telle configuration, les yeux se tournent évidemment vers la troisième force politique du pays, le parti des Combattants pour la liberté économique (EFF) du trublion Julius Malema, exclu de l’ANC en 2012 et qui, depuis, siphonne les voix de son parti d’origine. Une hypothèse rejetée par Cyril Ramaphosa: « Le Congrès national africain fera campagne pour une victoire « pure et simple » et non pour des coalitions lors des élections générales. »

Malgré ses déboires en tous genres, l’ANC part cependant favori pour conserver le pouvoir, sans passer par des alliances, mais tout dépendra du taux de participation, notamment des jeunes, soulignent les analystes. Ne se sentant pas redevables au parti de Nelson Manda, qui a célébré son 112ème anniversaire en janvier dernier, ni voter pour l’AD, les jeunes Sud-Africains, dont le taux de chômage avoisine les 60%, boudent de plus en plus les urnes. Aux élections locales de 2021, le taux de participation était de 46,5%, soit le taux le plus faible des scrutins organisés dans le pays depuis 1994. Selon la Commission électorale indépendante (CEI), seulement 12,2 millions d’électeurs sur 26,2 millions ont voté aux municipales de 2021. Qu’en sera-t-il des élections nationales cette année, 30 ans après la création de la « nation arc-en-ciel » ? La bataille s’annonce rude.

L.A.