C’est une diplomate expérimentée au long cours qui prend les rênes de la Mission de maintien de la paix des Nations unies en Centrafrique.
« C’est l’un des meilleurs recrutements que j’ai pu réaliser dans ma carrière », dit d’elle l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Français Pascal Lamy, dont Valentine Rugwabiza a été la directrice adjointe pendant huit ans. « Femme de conviction, elle sait entraîner ses interlocuteurs dans sa direction, et a démontré ses capacités de manager », assure l’ancien patron du commerce mondial. C’est dire que la Rwandaise, nommée le 24 févier par le Secrétaire général des Nations unies (ONU), António Guterres, pour prendre la tête de la Mission de maintien de la paix des Nations unies en Centrafrique (Minusca) est au-dessus de tout éloge. Représentante permanente du Rwanda auprès de l’ONU et ambassadrice non-résidente de son pays en Colombie et en Jamaïque depuis 2016, celle que l’on qualifie comme l’une des diplomates rwandaises les plus expérimentées, a commencé sa carrière en 2002 comme représentante du Rwanda à Genève auprès de l’Office des Nations unies et de ses agences spécialisées. En même temps qu’ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire du pays des Mille collines en Suisse. Coordinatrice du groupe des ambassadeurs africains à l’OMC, Valentine Rugwabiza, née en 1963, et diplômée en économie, est alors nommée en 2005 directrice générale adjointe de l’OMC, devenant la première femme à occuper ce poste.
Huit ans plus tard, la diplomate est rappelée à Kigali. Après un court passage, en 2014, à la tête du Rwanda Development Board, organisme public chargé d’accompagner et accélérer le développement économique du pays, elle devient ministre des Affaires étrangères chargée de la Communauté de l’Afrique de l’Est.Mais pas pour longtemps. En 2016, elle est nommée représentante du Rwanda auprès de l’ONU. Poste qu’elle occupe jusqu’à sa récente désignation pour prendre les commandes de la Minusca, succédant au Sénégalais Mankeur Ndiaye, qui n’a pas voulu prolonger son mandat après trois années agitées à la tête de la force internationale.
L’épineuse équation des mercenaires russes
Diplômée de l’ancienne Université nationale du Zaïre, la nouvelle cheffe de la Minusca est entrée dans la vie active en travaillant d’abord pour la multinationale suisse Hoffmann-La Roche au Cameroun puis en Côte d’Ivoire, avant de diriger, en 1997, sa propre entreprise, Synergie Group, à Kigali, la capitale rwandaise. Elle est membre fondatrice de la Fédération du secteur privé du Rwanda, de l’Organisation des femmes entrepreneurs du Rwanda et du Caucus des femmes leaders rwandaises. Parlant anglais, français, swahili et kinyarwanda, Valentine Rugwabiza arrive aux commandes de la Minusca à un moment où les relations sont à couteaux tirés entre la force multidimensionnelle et le pouvoir centrafricain. Mais elle a un atout. Avec près de 1 700 soldats et 500 gendarmes, les Rwandais forment le plus important contingent des 12 000 casques bleus déployés par l’ONU en Centrafrique. L’ancienne directrice adjointe de l’OMC peut aussi s’appuyer sur la coopération sécuritaire d’Etat à Etat qu’entretiennent Kigali et Bangui. Des soldats rwandais sont déployés dans la capitale centrafricaine au niveau bilatéral pour faire respecter l’Accord de 2019, signé par le gouvernement et quatorze groupes armés pour « la paix et la réconciliation en République centrafricaine ». Reste à cette diplomate chevronnée un défi à relever avant tout en posant ses valises à Bangui : résoudre l’épineuse équation des mercenaires russes de la société Wagner présents dans le pays dont les relations avec la Minusca sont particulièrement tendues. Et ce n’est pas le moindre des challenges.
Anne Lebrun