Après avoir eu la peau de Jeanine Mabunda, une fidèle de l’ancien président Joseph Kabila, destituée en décembre dernier de la présidence de l’Assemblée nationale où le Front commun pour le Congo (FCC) disposait pourtant d’une large majorité, Félix Tshisekedi est en passe d’inscrire sur son tableau de chasse un autre kabiliste de premier plan : le Premier ministre Ilunga Ilunkamba. Ce dernier ne s’est pas présenté mercredi 27 janvier au palais du peuple, siège du Parlement, où une motion de censure contre son gouvernement devait être discutée. Les carottes sont donc cuites pour le professeur nommé Premier ministre en juin 2019 sur proposition de l’ex-homme fort du pays, allié à son successeur. Aujourd’hui, le Pr Ilunga Ilunkamba a perdu la confiance du chef de l’Etat et celle des députés. La majorité parlementaire étant en recomposition au profit du président Tshisekedi, le chef du gouvernement sortant n’a plus de troupe derrière lui. Comme l’ex-président Kabila, il est également aux abois. Et pourtant, il a voulu gagner du temps et retarder sa mise à l’écart.
Tout commence le vendredi 22 janvier lorsque 301 députés déposent une motion de censure contre le gouvernement et son chef. Ce dernier sait déjà qu’il ne peut plus sauver son poste. La messe est dite. Mais il veut partir avec les honneurs et ne pas perdre la face devant les signataires. Il commence par faire envoyer une première salve de critiques par ses collaborateurs et le dernier carré de ses soutiens contestant la légitimité du bureau d’âge de l’Assemblée nationale. D’après eux, ce bureau provisoire n’a pas le droit de convoquer les parlementaires pour déchoir un Premier ministre, de surcroît dans le cadre d’une session extraordinaire dont l’ordre du jour est limité et contraint. Mais la manœuvre échoue. D’autant que de son côté le bureau d’âge n’en a cure. Le président provisoire de l’Assemblée nationale, le doyen d’âge Mboso Nkodia, pousse son avantage. Il fait inscrire l’examen de la motion de censure à l’ordre du jour de la plénière du mardi 26 janvier. Mais le Premier ministre ne s’avoue pas vaincu. Il obtient un ordre de mission et s’envole, dimanche 24 janvier, pour Lubumbashi où s’est retiré Joseph Kabila. Mais la machine est lancée et sa résistance est vaine. La motion de censure déposée contre lui pour « mauvaises performances » a est adoptée le 27 à une large majorité. Sur les 382 députés présents lors de la séance, 367 se sont prononcés en faveur de la chute du chef de gouvernement qui, selon la Constitution, a désormais vingt-quatre pour présenter sa démission et celle de son gouvernement.
Mais Ilunga Ilunkamba n’attendra pas la fin du délai constitutionnel. Le 28 janvier, dans un communiqué, tout en réaffirmant ses observations sur la « compétence du bureau d’âge », il se dit « respectueux de la Constitution et des institutions de la République » et attendre la notification du vote intervenu à l’Assemblée nationale de la motion de censure dirigée contre son gouvernement pour prendre ses responsabilités conformément à la Constitution ». Félix Tshisekedi remporte ainsi une grande victoire politique.
Décidément sur un nuage, le chef de l’Etat a aussi reçu le même jour au palais de la nation le Pr Modeste Bahati venu lui remettre le rapport de sa mission d’information. Là encore, les nouvelles sont excellentes pour le pouvoir. 391 députés sur un total de 500 ont adhéré à l’Union sacrée prônée par Félix Tshisekedi. Un véritable tsunami s’est donc abattu sur l’ancienne majorité kabiliste. Celle-ci a été laminée, réduite à la portion congrue. La nouvelle coalition majoritaire à l’Assemblée nationale va maintenant épouser la vision du fils d’Etienne Tshisekedi. Reste qu’une telle majorité, hétéroclite et variée, sera difficile à gérer au quotidien. Par ailleurs, l’identification réussie de ladite majorité par l’informateur et la chute concomitante du gouvernement ouvrent désormais la voie à la nomination rapide d’un formateur ou nouveau chef du gouvernement. Mais l’encore Premier ministre devra auparavant avoir déposé la démission du gouvernement sur le bureau présidentiel. Cela ne saurait tarder. Une simple formalité en somme !
La Rédaction