La crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus s’est propagée à une vitesse vertigineuse à l’échelle planétaire au cours de ces derniers mois, suite à son apparition en décembre 2019 à Wuhan, en Chine. Cette catastrophe sanitaire s’est étendue à l’échelle planétaire à des degrés divers. En ce qui concerne les pays d’Afrique Subsaharienne, la situation est moins alarmante dans la mesure les sources du Covid-19 proviennent de l’extérieur du continent.
Les conséquences néfastes de cette pandémie de Covid-19 doivent être appréhendées par rapport à l’analyse simultanée des chocs d’offre et de demande, comme le suggère Dominique Strauss Khan (dans la dernière édition de la revue Politique Internationale). Le recul des activités économiques reste à la base du rétrécissement drastique des revenus des agents économiques compte tenu de la mise en place des mesures de confinement et de chômage des salariés.
La structure économique et l’ossature macroéconomique des pays d’Afrique centrale demeurent fragiles. Ces économies ne sont pas diversifiées car leurs activités commerciales reposent essentiellement sur un faible nombre de pays et de secteurs d’activités. Ces pays (RD Congo, Angola, Gabon, République du Congo, Guinée équatoriale, Tchad) disposent de dotations exceptionnelles en ressources naturelles (produits miniers et pétroliers).
La faiblesse d’infrastructures physiques constitue une tare majeure de ces économies. De même, l’existence des barrières tarifaires et non tarifaires demeure également une contrainte non négligeable. Cette situation ne permet pas la fluidité des échanges au sein de cette région qui reste peu intégrée. L’existence des conflits internes et la persistance de l’instabilité politique demeurent des obstacles majeurs qui réduisent l’attractivité de cette zone géographique en l’empêchant de mobiliser une part importante des Investissements Directs Etrangers.
Les pays d’Afrique centrale subissent les effets pervers de leur insertion récessive dans les réseaux de production internationaux et dans les chaînes de valeur mondiales. Le secteur des industries extractives constitue le fer de lance des économies d’Afrique centrale, avec une contribution de 42% à la formation du PIB nominal de de la région. La désarticulation de ces économies favorise l’expansion du secteur informel et des activités parallèles. L’inefficience du système sanitaire constitue une pesanteur majeure de l’Afrique centrale. Les services de santé de cette zone demeurent vétustes. Ces pays disposent d’un système de santé inégalitaire aux prises avec la présence des maladies endémiques.
Les effets catastrophiques de la crise sanitaire vont se traduire par une perte énorme des recettes d’exportations dans la mesure où les pays développés ne seront plus en mesure de maintenir le rythme de leurs importations des matières premières. Dans ce contexte, la création des richesses sera insignifiante à l’échelle internationale compte tenu de la pérennisation de la récession prévisible. D’après la Banque mondiale, la croissance économique de l’Afrique subsaharienne se rétractera entre 2019 et 2020, allant de 2,4% à -5,1%.
La croissance économique de l’Afrique centrale, qui devait atteindre 3,6 %en 2019 et 3,5 % en 2020 selon la Banque africaine de développement, (Perspectives économiques en Afrique centrale, 2019), doit être revue à la baisse en 2020. Les estimations de cette institution prédisent une réduction du taux de croissance de l’ordre de 0,7 à 2,8 % au cours de cette année du fait des soubresauts de la pandémie du Covid-19. Il est opportun de signaler que la virulence de la crise va se ressentir davantage dans les pays d’Afrique subsaharienne d’Afrique centrale producteurs de pétrole dans la mesure où les pertes en termes de recettes d’exportation pourront représenter 100 milliards de dollars en moyenne.
La crise alimentaire n’est pas à exclure dans ce tableau pernicieux. La pandémie de Covid-19 risque de perturber les échanges commerciaux à l’échelle internationale et d’attaquer les chaines d’approvisionnement alimentaire. On peut assister à la contraction des exportations, qui peuvent provoquer la pénurie sur le marché. Les perturbations liées au confinement de la main d’œuvre sont de nature à diminuer le volume de l’offre sur le marché. Cette situation va réduire les gains des commerçants et occasionner des hausses de prix des produits. Les comportements des agents se traduisent par des achats paniques qui perturbent davantage la dynamique du marché. La contraction de l’offre des produits alimentaires est de nature à favoriserla pérennisation de la faim, la malnutrition et l’insécurité alimentaire.
La crise economique peut provoquer l’irruption de la crise sociale si l’on tient compte de la faiblesse des systèmes de protection sociale en Afrique centrale. L’inexistence d’un filet de sécurité sociale acceptable est de nature à amplifier cette crise. On doit mettre en place des mécanismes adéquats de sécurité sociale afin de protéger les personnes vulnérables dont la résilience est faible par rapport à la dérive sanitaire. L’aide internationale doit être mobilisée pour secourir les économies vulnérables d’Afrique centrale face à ces chocs exogènes. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a envisagé la mise en place d’un Plan d’urgence de 3000 milliards de dollars pour subvenir aux besoins des pays en développement, en général, et ceux d’Afrique, en particulier.
Par ailleurs, il faut adopter un moratoire sur la dette de ces pays fragilisés par la crise sanitaire. Les appuis budgétaires des partenaires bilatéraux et multilatéraux sont indispensables pour alléger le poids de la contrainte liée au paiement du principal et des intérêts de la dette. La Banque africaine de développement s’est engagée à soutenir les économies des pays en développement dans le financement des projets à court et à long terme pour supporter les coûts d’ajustement liés à la persistance de la pandémie de Covid-19. Une enveloppe de 50 milliards de dollars serait disponible sur cinq ans pour soutenir les économies des pays africains en situation de détresse financière.
Au-delà de la pandémie de Covid-19, la recherche d’un nouveau contrat social s’impose pour renforcer la résilience de l’environnement international face aux chocs exogènes et endogènes. Cette dynamique suppose le maintien d’une approche multidimensionnelle priorisant les prérogatives sociales des populations face au libéralisme économique ambiant et à la dictature des lois du marché.
Par le Pr Claude Sumata
L’auteur est professeur des universités et consultant international macroéconomiste>