Le 4 janvier est un jour férié en RDC, mais cela n’a pas empêché un branle-bas de combat dans les états-majors de toutes les formations politiques où les réunions se sont succédé. En effet, une session extraordinaire de l’Assemblée nationale a été convoquée mardi 5 janvier par le bureau provisoire présidé par le doyen d’âge des élus du peuple, assisté de deux députés les moins âgés. On assiste par conséquent à une veillée d’armes dans le camp présidentiel, ainsi que dans le camp adverse représenté par le FCC pro-Kabila. Le dimanche 3 janvier, plusieurs grand-messes ont été organisées bravant curieusement les mesures anti-Covid et animées d’un côté par le président Félix Tshisekedi en personne, et de l’autre par le Premier ministre Ilunga Ilunkamba. Le moins qu’on puisse dire est que la confiance a déjà été rompue entre les deux têtes de l’exécutif. Les messages délivrés par chacune d’elles sont aux antipodes l’un de l’autre. La coalition au pouvoir, Cach-FCC, a bien volé en éclats. Les alliés d’hier kabilistes et tshisekedistes se regardent aujourd’hui en chiens de faïence. Leurs intérêts sont désormais devenus antagonistes.
Le jour du Seigneur donc, le chef de l’Etat congolais a réuni autour de lui quelque 300 députés sur un total de 500 que compte la chambre basse du Parlement. Si le comptage effectué par ses proches collaborateurs est exact, il s’agit alors d’une démonstration de force de la part de l’Union sacrée de la nation, une coalition en gestation au sein de la classe politique et en phase avec la vision du président Félix Tshisekedi. Ce dernier a rassuré les nouveaux adhérents en provenance du camp kabiliste, leur demandant publiquement de ne pas avoir peur. En quête d’une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, sans toutefois un retour aux urnes, le fils de feu Etienne Tshisekedi évite soigneusement d’employer le mot “débauchage” pour attirer à lui même des kabilistes historiques comme l’ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Charles Okoto. Cet ancien ambassadeur en Ouganda et en Chine a en effet pris la parole lors de la rencontre organisée sous un grand chapiteau blanc installé à la Cité de l’Union africaine.
Le contraste a cependant été saisissant avec les petites tentes – également immaculées – dressées dans le jardin de la Primature. L’hôte des lieux, le Pr Ilunga Ilunkamba, qui a sa tête sur le billot, tente de son côté de montrer que lui aussi a du cran. Et qu’il ne se laissera pas faire. A ceux qui lui montrent la porte de sortie avant le dépôt d’une éventuelle motion de censure contre le gouvernement, le Premier ministre leur fait voir des signes évidents de résistance. Il a donc rassemblé, le même dimanche, les chefs des regroupements et des partis politiques du FCC pro-Kabila qui soutiennent son action. Et ce pour un échange des vœux, mais aussi pour parer à toute éventualité.
Et pour cause, le sort du gouvernement va aussi se jouer à l’Assemblée nationale où un nouveau bureau devra d’abord être élu lors de la session extraordinaire qui démarre ce mardi 5 janvier au Palais du peuple. C’est là que va se dérouler la mère de toutes les batailles entre pro-Kabila et pro-Tshisekedi. Si ce bureau finit par être dirigé par des membres de l’Union sacrée, cela sonnerait le glas de la mainmise de l’ancien président Joseph Kabila sur la vie politique nationale. En revanche, si la plate-forme chère au sénateur à vie, le Front commun pour le Congo (FCC), l’emportait, cela conduirait alors à un retour à la case départ pour le président Tshisekedi. Plusieurs noms sont d’ores et déjà cités dans le camp présidentiel pour briguer la présidence du futur bureau de l’Assemblée nationale. Il s’agit notamment de celui de la secrétaire générale du MLC de Jean-Pierre Bemba, Me Eve Bazaïba (qui vient hélas ! de perdre son mari, le Dr Masudi Kalombo, ancien sénateur), de celui d’un autre juriste proche de Moïse Katumbi, Christophe Lutundula et enfin de Jean-Pierre Lihau, un membre du FCC qui a été parmi les premiers à adhérer à l’Union sacrée. « Il est très probable que Jean-Pierre Lihau puisse briguer le fauteuil de speaker de la chambre basse du Parlement », souffle un conseiller présidentiel. Fils d’un des cofondateurs de l’UDPS, le parti présidentiel, Lihau connaît parfaitement – ce qui ne gâche rien – les rouages de l’Assemblée nationale pour avoir dirigé le cabinet d’un ancien speaker, Aubin Minaku, un kabiliste de renom.
Si l’Union sacrée parvient à prendre le contrôle du bureau de l’Assemblée nationale, elle pourrait ensuite s’ériger en majorité parlementaire. Pour ce faire, un informateur a déjà été désigné le 31 décembre dernier pour identifier une nouvelle coalition majoritaire au sein de l’Assemblée nationale. Le Pr Modeste Bahati, en rupture de ban avec le FCC pro-kabila et ayant rejoint l’Union sacrée, s’est vu confier par le chef de l’Etat une mission d’information d’un mois, renouvelable une fois. Mais les optimistes, qui se recrutent dans le camp présidentiel, pensent qu’il pourrait rendre son rapport en moins de 30 jours. D’après eux, le fruit semble déjà mûr et n’attend qu’à être cueilli. Du côté du FCC, on assimile plutôt la démarche présidentielle à une dérive totalitaire. Ambiance !
La Rédaction