« Développement durable et dette soutenable, trouver le juste équilibre. » Tel est le thème d’une rencontre internationale qui s’est tenue, lundi 2 décembre, dans la capitale sénégalaise. La nouvelle cheffe du Fonds monétaire international(FMI), Kristalina Georgieva, dont c’est la première visite sur le continent, en a coprésidé les travaux aux côtés du président sénégalais, Macky Sall, en présence de plusieurs autres chefs d’Etat : le Togolais Faure Gnassingbé, le Nigérien Mahamadou Issoufou, l’Ivoirien Alassane Ouattara, le Burkinabè Rock Marc Christian Kaboré et le Béninois Patrice Talon. Souvent incompris par leurs concitoyens,les dirigeants africains ont trouvé, lors de cette conférence internationale, l’occasion de rappeler les contraintes auxquelles sont confrontés les pays d’Afrique subsaharienne. Certes, les progrès socio-économiques qui y ont été réalisés au cours des deux dernières décennies sont remarquables, mais les besoins de développement à satisfaire demeurent tout aussi mportants. « Dans le même temps, la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour financer [ledit] développement est de plus en plus limitée, la dette publique ayant augmenté rapidement entre 2012 et 2016, même si elle s’est stabilisée autour de 55% du PIB au cours des dernières années », constate le FMI.
Présent lui aussi à Dakar, le ministre rd-congolais des Finances, Sele Yalaghuli, a mis en exergue le dilemme de plus en plus difficile à résoudre entre la nécessité de financer le développement et celle de maîtriser l’endettement public. Une position d’équilibriste dans un contexte difficile, marqué notamment par une montée des revendications et des dépenses sociales. Pour ne rien arranger, le FMI estime que les pays d’Afrique subsaharienne auront besoin, à l’horizon 2030, d’effectuer chaque année des dépenses supplémentaires – dans des domaines clés tels que la santé, l’éducation et les infrastructures prioritaires –, atteignant environ 20 % de leur PIB combiné.
Comment trouver alors les fonds manquants ? Pour la patronne du FMI, on peut certes recourir à l’endettement, mais il n’est nullement question de s’endetter n’importe comment. « L’emprunt est utileà condition d’y recourir à bon escient, pour financer des projets permettant de doper la productivité et d’améliorer le niveau de vie, comme la construction de routes, d’écoles et d’hôpitaux », conseille-t-elle. Les conditions d’emprunt peuvent cependant obérer le budget de l’Etat. On constate par exemple que l’emprunt aux conditions du marché représente actuellement près des deux tiers de la dette publique totale. «Cela signifie que les pays se tournent davantage vers les investisseurs en obligations, les banques commerciales nationales et d’autres prêteurs non traditionnels », déplore Kristalina Georgieva. Et d’ajouter que cette réorientation vers un financement à des conditions non concessionnelles se traduit par plus de dépenses au titre du service de la dette et moins d’investissements publics dans le domaine social.
Selon elle, les pays d’Afrique subsaharienne peuvent utiliser trois voies possibles pour tenter de trouver un juste équilibre entre le financement du développement et la viabilité de la dette. La première piste consiste à augmenter les recettes publiques. Selon les estimations des services du Fonds, la mobilisation des recettes est inférieure de 3 à 5 points de pourcentage aux revenus potentiels en Afrique subsaharienne. Le FMI accompagne donc les efforts des gouvernants, qui veulent atteindre des niveaux élevés dans la mobilisation des recettes publiques : C’était, par exemple, l’objectif de son intervention en Ouganda. Autre voie possible : l’accroissement de l’efficience des dépenses d’investissement. Dans ce domaine, le Fonds insiste sur le fait qu’environ 60 % seulement des dépenses d’infrastructures de la région contribuent à la création de capitaux publics. C’est peu ! Le FMI incite par conséquent les dirigeants africains à renforcer les capacités d’évaluation, de sélection et de mise en œuvre des projets. Comme elle l’a fait récemment au Mali, au Niger et au Burkina Faso, l’institution fournit à cet effet des outils de diagnostic et une assistance technique.
Le dernier chemin possible vise à renforcer la gestion de la dette publique. Quand cette gestion est meilleure, cela suscite la confiance des investisseurs, contribue au développement des marchés nationaux de capitaux et réduit in fine le coût du service de la dette.
«Nous sommes profondément mobilisés, nous donnons des conseils sur les politiques à adopter et accordons un soutien financier aux pays, notamment sous la forme de prêts à taux zéro », affirme Kristalina Georgieva. Avant de lancer que même si les pays suivaient ces trois voies, en dynamisant en même temps les ressources internes, cela ne suffirait pas.Malgré leurs efforts soutenus, ils ne parviendraient qu’à couvrir tout juste un quart des besoins estimés au titre des Objectifs de développement durable (ODD). D’où son appel aux pays avancés qui peuvent faire plus, surtout en matière d’aide. « L’objectif est de porter l’aide publique au développement à 0,7 %du revenu national des bailleurs de fonds. Ceux-ci pourraient en outre se concentrer davantage sur les infrastructures en accordant des dons et des financements à des conditions concessionnelles pour des projets présentant des taux de rendement crédibles », pense-t-elle. Elle exhorte enfin l’Afrique subsaharienne, les institutions multilatérales et les pays avancés à travailler en équipe au niveau mondial pour atteindre les ODD.
Jean-Mathis Foko
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