Législatives au Sénégal : En attendant la présidentielle

Le président Macky Sall

Après une campagne électorale émaillée de violence, quelque sept millions d’électeurs étaient appelés aux urnes le 31 juillet pour le renouvellement de l’Assemblée nationale où cent soixante-cinq sièges de députés étaient en jeu. Pour ce scrutin législatif, à un seul tour, huit listes ont été retenues, contre quarante-cinq en 2017. Et en l’absence de résultats officiels au moment où nous mettons sous presse, pouvoir et opposition revendiquent la victoire. Avec en point de mire la présidentielle de 2024.

« Nous avons gagné 30 départements » sur les 46 que compte le Sénégal et des circonscriptions à l’étranger, a déclaré dimanche soir l’ancienne Première ministre et tête de liste de la coalition présidentielle, Aminata Touré, quelques heures après la fermeture des bureaux.« Ceci nous donne incontestablement une majorité à l’Assemblée nationale », s’est-elle réjouie. Insistant : « Nous avons donné une majorité à l’Assemblée nationale à notre président de coalition », Macky Sall. Sans préciser ce que cela représente en sièges. L’opposition, dont le leitmotiv tout au long de la campagne électorale est d’imposer une cohabitation au chef de l’Etat, a sorti la grosse artillerie pour crier victoire, assortie de menace. C’est « une majorité préfabriquée (…) Le peuple répondra, il descendra dans la rue demain et vous nous direz comment vous avez obtenu votre majorité. La cohabitation est inévitable. Vous avez perdu cette élection au niveau national. Nous ne l’accepterons pas. Cette forfaiture ne passera pas », a invectivé Barthélémy Dias, maire de Dakar et membre de la coalition YewwiAskan Wi (YAW) dirigée par le principal opposant Ousmane Sonko, empêché de se présenter. Pas plus que la tête de liste nationale de la coalition présidentielle, Benno BokkYakaar (BBY), le bouillant magistrat de la capitale ne s’est risqué à avancer le moindre chiffre.

En attendant la publication des résultats par la Commission nationale électorale autonome (CENA), chaque camp voit midi à sa porte car, à moins de deux ans de la prochaine présidentielle, en 2024, ces législatives constituent un scrutin clé pour les deux camps pour mesurer les rapports de force. Pour la partie présidentielle, il s’agit de conserver une « majorité confortable au Parlement » — elle détenait125 des 165 sièges de députés dans l’Assemblée sortante —, mais aussi de se revigorer après les déboires des locales de mars où l’opposition l’avait emporté dans de grandes villes telles que Dakar, Thiès et Ziguinchor. Une claque pour la majorité présidentielle. L’opposition, quant à elle, entend surfer sur cette bonne dynamique pour l’emporter et imposer une cohabitation au locataire de la présidence, soupçonné de velléité de candidature pour un troisième mandat en 2024. Elle avait, dans ce sens, orchestré des manifestations dans les rues de Dakar et en Casamance après le rejet, par le Conseil constitutionnel, d’une liste nationale de candidats de la coalition YewwiAskan Wi (YAW), et a menacé de perturber le déroulement du scrutin du 31 juillet. « Si la coalition ne participe pas aux élections, il n’y aura pas d’élections au Sénégal », avait alors déclaré Ousmane Sonko, le leader de YAW.« Si vous faites une liste qui ne respecte pas ce que dit la loi, elle est éliminée », a rétorqué, début juin, le chef de l’Eat, Macky Sall, dont l’une des listes de son propre camp a été également invalidée : « De toute façon, le pays va faire ces élections, le Conseil constitutionnel a décidé. »Finalement, il n’en a rien été. Fin juin, l’opposition est revenue à de meilleurs sentiments en acceptant de participer à la consultation qu’elle menaçait jusqu’alors d’empêcher. « Le Sénégal est un pays de démocratie », souffle un analyste politique sénégalais, qui parle de « premier tour de la présidentielle de 2024 ».

Cohabitation ou pas, beaucoup parient sur des surprises pour cette quatorzième législature. « Même si l’opposition ne remporte pas la majorité, il y aura un rééquilibrage des rapports de force à l’Assemblée », souligne Ababacar Fall, du GRADEC (Groupe de recherches et d’appui conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance).

L.A.