RDC / ANR : le médecin-colonel Lusadusu-Nkiambi Wansadio à la rescousse !

Médecin cardiologue, colonel des ex-Forces armées zaïroises, il est depuis août dernier le nouvel administrateur général de l’Agence nationale de renseignements. Sa mission : donner une nouvelle impulsion à l’organisation et fonctionnement de l’ANR pour en faire une institution au service du pays et des citoyens.

Lorsque, quelques semaines seulement après sa nomination par le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, nous avons sollicité une rencontre avec le nouveau patron des renseignements, c’était comme une bouteille jetée à la mer ou jouer à pile ou face. Marchera, marchera pas ? On attend de voir. Les expériences passées nous poussent à afficher plutôt un certain pessimisme. Mais, nous sommes rapidement pris à notre propre jeu. Quelques heures après notre demande, un coup de téléphone confirme notre rendez-vous avec le boss. Corroborant la réputation de ce dernier d’homme ne laissant pas traîner les choses, réagissant au quart de tour. Certainement à cause de ses deux casquettes, médecin et militaire. Dans son vaste bureau où il nous reçoit – après avoir passé les contrôles de sécurité habituels et patienté, pas longtemps, dans deux salles d’attente ­–, autour d’une grande table ovale, en présence de son adjoint, le maître des lieux sait mettre son interlocuteur ou visiteur à l’aise.  Celui qui affirme « depuis mon jeune âge, j’avais beaucoup d’admiration pour toutes les professions qui placent l’homme comme centre d’intérêts », suivant en quelque sorte le précepte de Jean-Jacques Rousseau, « Hommes soyez humains, c’est votre premier devoir », répond aux questions sans langue de bois et dit travailler toujours en équipe. Rentré de Belgique depuis un bon moment, après plusieurs décennies passées hors du Congo, celui qui dit avoir deux passions dans sa vie, la médecine et l’armée, reconnaît les sacrifices consentis par les Congolais de la diaspora lorsqu’ils reviennent au pays pour travailler ou investir, « mais l’amour de la patrie et l’humain doivent primer ». Deux valeurs chevillées au corps.

Originaire du Kongo central, né en 1954, Daniel Lusadusu-Nkiambi Wansadio, après des études secondaires, de 1966 à 1972, au collège de l’Armée du Salut de Kinshasa, intègre l’Ecole royale militaire (ERM) de Belgique pour poursuivre sa formation militaire, menant parallèlement des études universitaires. Etudiant dans un premier temps à la faculté de médecine de l’Université Notre-Dame de la Paix de Namur, il rejoint ensuite l’Université libre de Bruxelles (ULB) où il obtient, en 1980, son doctorat en médecine. Suivront ensuite un diplôme de médecine tropicale à l’Institut Prince Léopold, à Anvers, un certificat en médecine militaire à l’Ecole royale du service médical (ERSM), à Gand, en 1981, avant de retourner au pays, en 1982, où il mène une carrière de médecin et d’officier militaire au sein des Forces armées zaïroises (FAZ, actuelles Forces armées de la République démocratique du Congo). Affecté successivement à différents départements de santé du ministère de la Défense nationale – commandant second de l’Ecole du service de santé (ESS) de la base militaire de Kitona, médecin au Centre médical du camp militaire lieutenant-colonel Tshatshi, à Kinshasa, etc. – il connaît une brillante carrière au sein de l’armée congolaise, notamment à la Division spéciale présidentielle (DSP), chargée de la protection du chef de l’Etat, le président Mobutu Sese Seko. Promu au grade de colonel en 1992, après avoir été nommé major en 1986, lieutenant-colonel en 1989, ses états de services lui valent d’être décoré de la Médaille du Mérite civique, avec le grade d’officier de l’Ordre national du Léopard en 1993.

« J’avais toujours rêvé de rentrer et servir davantage mon pays »

Militaire et médecin, Daniel Lusadusu-Nkiambi Wansadio a pour souci de bien et toujours mieux soigner les maux des hommes. C’est ainsi qu’en 1994, « suite à ma requête », précise-t-il, il retourne en Belgique pour parfaire sa formation en cardiologie. Mais le colonel-médecin ne reviendra pas au pays après son DES (Diplôme d’études spécialisées) en cardiologie, obtenu en 1999. Contraint à l’exil à cause de la destitution, en 1997, du maréchal Mobutu et la prise du pouvoir par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila. Ce dernier est assassiné en 2001, mais son fils, Joseph Kabila, lui succède jusqu’en janvier 2019. Un déchirement pour ce patriote amoureux de son Congo natal. « C’est un cauchemar pour moi de me voir contraint de me retrouver loin de ma patrie, ma soif de servir au sein de l’armée pour défendre mon pays est restée insatiable. J’avais toujours rêvé de rentrer et servir davantage mon pays », confie dans un entretien l’ancien conseiller militaire d’Etienne Tshisekedi Wa Mulumba, co-fondateur de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), et père de l’actuel chef de l’Etat congolais.

Jusqu’à sa nomination, le nouveau chef du renseignement congolais officiait comme médecin cardiologue dans différents établissements hospitaliers de Belgique, notamment au Centre hospitalier universitaire Saint-Pierre de Bruxelles où il a travaillé pendant 29 ans. Marié, père de six enfants, président-fondateur de l’Union des patriotes militaires congolais (UPMC), une structure regroupant les membres des ex-Forces armées du Zaïre en exil depuis l’avènement des Kabila père et fils, Daniel Lusadusu-Nkiambi Wansadio, qualifié de véritable patriote –  « Daniel Lusadusu-Nkiambi Wansadio a combiné ses fonctions de médecin avec ses activités patriotiques, pour ne pas dire politiques, puisqu’il a été très proche d’Etienne Tshisekedi », selon Jean-Jacques Wondo Omanyundu, spécialiste des questions sociopolitiques, sécuritaires et militaires –, doit apporter un nouveau souffle aux services de renseignements du pays. Pour nombre d’observateurs, notamment les ONG de défense des droits de l’homme, et les partis politiques de l’opposition, qui ont régulièrement accusé l’ANR d’arrestations arbitraires et détentions illégales, de tortures, entre autres, il faut une nouvelle impulsion dans l’organisation et le fonctionnement de l’institution. Pour ceux qui l’ont côtoyé, Daniel Lusadusu-Nkiambi Wansadio est l’homme qu’il faut pour mener cette « mutation » des services de renseignements congolais. « Je suis personnellement persuadé que sa nomination va apporter une nouvelle dynamique dans la conception et le fonctionnement dans les services de renseignements et de la paix », souligne encore Jean-Jacques Wondo Omanyundu dans un entretien accordé à une télévision locale. « Si on lui laisse les mains libres, je pense qu’il pourrait apporter un changement parce que les services de sécurité sont appelés à soutenir le processus démocratique dans lequel le pays s’est engagé, a poursuivi l’analyste pour qui l’ANR doit travailler pour et au profit des citoyens. »

Nul doute que le nouveau boss de l’ANR, en militaire aguerri, dispose de nombreuses stratégies pour revitaliser, professionnaliser et humaniser les services sécuritaires et de renseignements congolais. Et tourner une page plutôt sombre et trouble de l’institution. « Après 20 ans des Kabila, le pays est en grande instabilité sécuritaire, sociale, politique et économique (…) Il nous appartient maintenant de rectifier le tir et c’est ce que nous avons décidé d’entreprendre désormais », a-t-il confié récemment.

Encadré 

Robert Abel Ngwama Bindele, numéro 2 de l’ANR

Né en 1961 à Boma, dans la province du Kongo central, ce protestant discret va épauler le nouveau patron de l’ANR dans sa mission de transformer la maison. Il en connaît en effet tous les coins et recoins pour y avoir passé une trentaine d’années. Il connaît surtout les hommes et les femmes qui y travaillent. Et ce, d’autant qu’il a gravi progressivement tous les échelons. Cet homme humble et courtois a bien entendu démarré comme simple analyste puis chef de bureau. Il devient ensuite chef de division avant de se hisser au grade de directeur. Il est titulaire d’un DEA (Diplôme d’études approfondies) en psychologie, obtenu à l’Université pédagogique national (UPN), situé dans le quartier éponyme, à Kinshasa. Au cours de sa carrière déjà bien remplie, l’administrateur général adjoint de l’ANR a suivi plusieurs formations professionnelles assurées notamment par des services et des spécialistes étrangers.