Guylain Nyembo, qui a été nommé, lundi 25 janvier, à la tête de l’administration présidentielle, est un tshisekediste convaincu. Lors de l’élection présidentielle de 2011, il croyait déjà à une victoire d’Etienne Tshisekedi, le défunt père de l’actuel chef de l’Etat. Il était alors le représentant adjoint de l’UDPS, le parti au pouvoir, pour le Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Contrairement à son prédécesseur, Vital Kamerhe — arrêté le 8 avril 2020 et condamné en juin à vingt ans de prison pour détournement de fons publics et corruption dans l’affaire dite du « programme des 100 jours » —, Guy Nyembo est bien encarté à l’UDPS. En 2008, il a effectivement été désigné représentant adjoint du parti pour les trois pays précités. A l’époque, Félix Tshisekedi vivait encore dans la capitale belge. Les deux hommes étaient donc amenés à se rencontrer régulièrement. D’autant qu’une fois rentré à Kinshasa, le fils d’Etienne s’est occupé des relations extérieures de l’UDPS, renforçant ainsi leur collaboration à distance.
Devenu ensuite président de la République voici deux ans, Félix Tshisekedi appelle Guy Nyembo à ses côtés et le nomme, en mars 2019, directeur de cabinet adjoint en charge de l’économie et de la reconstruction. L’homme est réputé rigoureux et discret. La preuve, tout le monde, ou presque, le découvre au moment de sa nomination, lundi 25 janvier, lorsque le porte-parole du chef de l’Etat, Kasongo Mwema, lit l’ordonnance présidentielle sur les antennes de la RTNC, la chaîne de télé publique. Les Congolais ne savent pas grand-chose de ce quadragénaire, originaire du territoire de Kongolo habité majoritairement par les Hemba (ou Bahemba), dans la province du Tanganyka, dirigée aujourd’hui par Zoe Kabila, le frère de l’ancien président Joseph Kabila.
De fil en aiguille, certains observateurs pensent que sa promotion porte en elle un message en filigrane du président Félix Tshisekedi : montrer que le discours séparatiste et sécessionniste véhiculé par certains fils du Grand Katanga ne tient pas la route et est voué à l’échec. Il accorde tout simplement sa confiance à un digne fils de cette région. « Le Président nomme une personne pour ses compétences et non pour son appartenance ethnique. Et c’est à elle de faire ses preuves », affirme un conseiller à la présidence.« Guylain Nyembo est maintenant en première ligne, explique un autre membre du cabinet présidentiel. Il est certes un nouveau venu dans la sphère publique,mais il a le souci de suivi des actions menées sur le terrain et des dossiers. On espère qu’il appliquera à la sphère publique les méthodes de gestion apprises dans le monde de l’entreprise privée. »
En effet, Guy Nyembo est issu du secteur privé et a surtout travaillé pour des multinationales. Après un mastère en économie et gestion, obtenu en 1998 à l’université de Mons, en Belgique, il rejoint dès 2000 LyondellBasell, un groupe néerlandais spécialisé dans la chimie. Parlant couramment anglais et néerlandais, il reste près de 15 ans au sein de la multinationale hollandaise s’occupant notamment du suivi des aspects financiers liés à l’activité de la firme. En 2011, il effectue une formation en contrôle de gestion à l’Ichec à Bruxelles, puis est recruté, en 2015, par le Supermaritime Group, un prestataire de services logistiques néerlandais basé à Rotterdam. Pendant quatre ans, il y exerce le métier de gestionnaire de projet. D’où son souci pour le suivi des actions entreprises. Or qu’entend-on souvent à Kinshasa ? C’est bien le manque de suivi des actions en cours ou de celles déjà réalisées que la population reproche aux gouvernants.
En quête de résultats tangibles pour pouvoir présenter un bilan flatteur à la fin de son (premier ?) mandat, Félix Tshisekedi a entrepris de restructurer son cabinet pour plus d’efficacité. Dans cette optique, le nouveau directeur de cabinet va certainement porter la casquette d’un chef d’orchestre pour éviter toute fausse note. Ce dernier doit aussi avoir de l’autorité. Mais sa mission ne sera pas des plus faciles. D’autant que certains auraient bien voulu voir à sa place un éminent juriste doublé d’un politique affirmé. D’autres se demandent en revanche si le nouveau directeur de cabinet maîtrise parfaitement les exigences protocolaires de la fonction. A l’UDPS, on veut bien le croire. « Le choix du chef ne se discute pas », confie un militant. « Guylain Nyembo est un homme intègre et profondément patriote, détestant de surcroît la médiocrité », renchérit pour sa part Ted Beleshayi, un jeune cadre du parti présidentiel. Ce dernier met à son actif la réussite du voyage du chef de l’Etat en 2019 en Belgique dont Guylain Nyembo a assuré la coordination, ainsi que la redynamisation de l’Inspection générale des finances (IGF) que dirige l’intraitable Jules Alingete. D’après Ted Beleshayi, le nouveau « Dircab », comme on dit dans le jargon gouvernemental, a fait une belle carrière à l’international travaillant, en Occident, mais aussi en Afrique, notamment au Rwanda et au Nigeria.
La Rédaction