Fruit d’un accord de coopération avec les Emirats arabes unis, la RDC a procédé à sa première expédition d’or «équitable». Un pas de plus du gouvernement dans sa lutte contre la contrebande dans le secteur de l’exploitation artisanale de l’or.
Il flottait un air de satisfaction et de soulagement dans les salons de la Cité de l’Union africaine ce vendredi 13 janvier, où le chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, a procédé à la première expédition d’or artisanal certifié légal vers les Emirats arabes unis (EAU) pour y être traité par l’usine de raffinage Auric Hub à Abou Dhabi. Cette livraison, qui porte sur 28 kg d’or semi-raffiné, est l’aboutissement d’un projet initié par le président congolais lors d’une visite officielle aux Emirats arabes unis en octobre 2021, puis d’une rencontre, en 2022, avec le président des EAU, Cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane, surnommé « MBZ ». L’idée est mettre en place une filière légale de commercialisation d’or issu de l’orpaillage artisanal, en particulier dans la région du Sud- Kivu. Selon les estimations, une vingtaine de tonnes d’or seraient extraites chaque année par les mineurs artisanaux, plus connus sous le nom de « creuseurs ». Une production, qui disparaît presque entièrement dans les circuits de contrebande, exportée via le Rwanda et l’Ouganda notamment. En nouant un partenariat avec les EAU, dont la capitale, Dubaï, est l’un des plus grands marchés de l’or au monde, mais aussi un des principaux épicentres du trafic illicite du minerai jaune, les autorités congolaises veulent désormais maîtriser la traçabilité de leur or artisanal. Le projet, dont la mise en place a été supervisée de bout en bout par le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde, ancien directeur général de la Gecamines, s’appuie sur une société, Primera Group Ltd. Une joint-venture entre la RDC et les Emirats, qui se décline en deux : Primera Gold DRC pour l’or et Primera Metals DRC pour d’autres métaux (étain, tungstène, tantale/coltan). L’objectif de Primera Gold DRC, selon son directeur général, Joseph Kazibaziba, est de « canaliser la production de plus de 23 500 « creuseurs » du Kivu par la mise en place de filières d’achat et de pré-affinage in situ. Ceci, notamment, grâce à des coopératives et acheteurs agréés et un Centre spécialisé d’achat, de commercialisation et d’exportation ». Pour celui qui est, en même temps, président de la Chambre des mines au Sud-Kivu, il s’agit de « capter toute la production de l’or issu de l’exploitation artisanale et d’exporter plus de 15 tonnes annuellement, ce qui représentera plus de 1 milliard de dollars qui passera par le circuit bancaire dans notre pays et qui mettra fin au brassage incontrôlé du cash dans la province du Sud-Kivu ».
Lutter contre les trafics d’or
Se félicitant du nouvel accord noué par son pays avec les EAU, le président Tshisekedi a déploré que « l’or (…) au lieu de profiter au pays et à son peuple alimente trafics et groupes armés et sont la raison de nos malheurs », et rappelé, lors de la cérémonie, que le partenariat conclu avec les Emirats est le même qu’il avait proposé à certains de ses voisins. « C’est exactement ce genre de partenariat que j’avais recherché avec nos voisins pour mettre fin au trafic, cette contrebande de nos minerais et pouvoir faire profiter à nos populations respectives, en créant cette chaîne de valeur qui va apporter beaucoup de bénéfices à nos pays et peuples respectifs », a-t-il déclaré, visant en particulier le Rwanda et son président, Paul Kagame, sans les nommer. Et de regretter de n’avoir pas « malheureusement été entendu par certains ». Dans tous les cas, pour Kinshasa, Primera Gold DRC offre un nouveau système d’exploitation de l’or artisanal et permet de renforcer le partenariat économique direct entre les deux parties et lutter contre les trafics d’or qui financent les groupes armés qui sèment l’insécurité dans l’est du pays. « Cette collaboration est la preuve que la RDC peut travailler en partenariat avec tout le monde », a laissé entendre Félix Tshisekedi.
Sur le plan social, Primera Gold DRC garantira un salaire décent aux « creuseurs », va leur assurer un revenu régulier ainsi que l’accès aux soins de santé et l’éducation pour leurs familles. Conformément aux exigences qu’imposent les règles du commerce équitable fondé sur le principe « gagnant-gagnant ».
Richard Ngapi (avec la Rédaction)
