Le roi Philippe et la reine Mathilde de Belgique effectuent, du 7 au 13 juin, une visite d’Etat en République démocratique du Congo, à l’invitation du président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Le couple royal belge est accompagné d’une forte délégation comprenant notamment le Premier ministre Alexander De Croo, et plusieurs membres du gouvernement. Outre Kinshasa, la capitale, la délégation royale se rendra à Lubumbashi dans la province du Haut-Katanga et à Bukavu, dans le Sud-Kivu, où est installé l’hôpital de Panzi, géré par le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix.
Initialement prévue en juin 2020,cette visite a été reportée, une première fois,à cause de la pandémie de Covid-19, puis à la suite de la guerre en Ukraine depuis février dernier. Elle est la première d’un monarque belge depuis celle que le roi Albert ll, accompagné de la reine Paola, avait effectuée en 2010 à l’occasion des 50 ans d’indépendance de l’ex-colonie belge. Elle répond à la visite officielle que le président Tshisekedi avait accomplie, du 15 au 19 septembre 2019 en Belgique, quelques mois après son accession à la magistrature suprême.Le déplacement du chef de l’Etat congolais a permis aux deux pays de tourner la page d’un passé récent marqué par des brouilles durant la présidence de Joseph Kabila (2001-2019), et de relancer la coopération bilatérale. Elle a eu lieu douze ans après celle du président Joseph Kabila, du 21 au 23 septembre 2007.
Le temps des retrouvailles
Le couple royal belge arrive en RDC dans un climat apaisé, celui des retrouvailles entre deux pays et deux peuples ayant partagé une longue histoire et qui éprouvent la nécessité de renforcer leurs liens. La visite du président Tshisekedi dans la capitale belge, en effet, avait un double objectif : politico-diplomatique, d’une part, et économique de l’autre. Il fallait au chef de l’Etat congolais sceller la normalisation des relations bilatérales et rassurer les opérateurs économiques belges quant à la disponibilité de la RDC de les accueillir.
A cette occasion, le président congolais a rencontré les autorités belges, dont le Premier ministre d’alors, Charles Michel, actuel président du Conseil européen, et Alexander De Croo, actuel chef du gouvernement. Il a été reçu, avec son épouse, Denise Nyakeru Tshisekedi, par le roi Philippe et la reine Mathilde.Ces retrouvailles au plus haut niveau ont été couronnées par la signature, le 17 septembre, de trois mémorandums d’entente.Le premier portait sur la tenue régulière des consultations politiques bilatérales, la remise en place d’ambassadeurs dans les deux pays,la réouverture des consulats généraux belge à Lubumbashi et congolais à Anvers, sur un appui à l’Ecole nationale d’administration (ENA) de Kinshasa et sur la formation des diplomates congolais.
Le deuxième mémorandum concernait la poursuite de la coopération au développement belge en RDC et la consolidation des programmes en cours d’exécution, accompagnés d’un programme de transition. Le troisième document avait trait à la relance de la coopération financière et à la reprise de la coopération entre les Banques centrales des deux pays.Les trois accords sont, dans une grande mesure, déjà mis en application. Les ambassadeurs ont rejoint leurs postes respectifs : Jo Indekeu à Kinshasa et Christian Ndongala Nkuku à Bruxelles. Le consulat de Belgique est déjà rouvert, celui de la RDC le sera dans les prochaines semaines. Par ailleurs, la Belgique a assuré, en mars 2022 à l’Institut Egmont de Bruxelles, la formation des nouveaux ambassadeurs congolais nommés en octobre 2021
Rassurer les opérateurs économiques belges
Devant quelque 150 opérateurs économiques congolais et belges, réunis à l’invitation de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), le président congolais avait affirmé, lors de sa visite officielle, sa volonté d’entamer une « ère nouvelle de développement » de la RDC et avait appelé les hommes d’affaires belges à « accompagner l’émergence du Congo ». Expliquant sa vision d’un Congo émergent, il avait fixé ses objectifs : combler le déficit en infrastructures, développer les énergies renouvelables (solaire et hydroélectrique) et promouvoir l’agriculture en sortant du « tout aux mines », favoriser les secteurs de la santé, de l’enseignement et de la formation professionnelle.
Le gouvernement de Kinshasa a pris une série de mesures incitatives et mis en place d’importants instruments juridiques pour améliorer le climat des affaires et promouvoir les investissements étrangers, belges en particulier. Il s’agit, notamment, des accords bilatéraux à double imposition et du traité bilatéral ratifié par les deux pays. Une mission économique et commerciale belge est établie à Kinshasa depuis mars 2022 et son installation a coïncidé avec le lancement de la troisième édition de la Semaine belge de Kinshasa à laquelle ont participé de nombreux hommes d’affaires. A ce jour, plus de 200 millions d’euros ont été investis dans les échanges économiques entre la RDC et la Belgique, qui reste le premier fournisseur occidental de la RDC.
D’autre part, en 2019, Bruxelles a alloué à Kinshasa un montant de 90,93 millions d’euros d’aide au développement, dont 86,22 millions d’euros par le canal de la Direction générale du développement (DGD) et 4,13 millions d’euros à travers les autres Services publics fédéraux, les Communautés et les Régions. En 2020, la somme était d’environ 94 millions d’euros.
Coopération militaire bilatérale
Par ailleurs, les deux pays ont décidé de relancer leur coopération militaire, qui se traduit notamment par le déploiement des instructeurs belges chargés d’entraîner, de recycler et de former la 31ème brigade des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) à Kindu, dans la province du Maniema. Dans ce cadre, l’armée belge a déployé, depuis avril dernier, une trentaine de militaires pour assurer, durant quatre mois, le recyclage des instructeurs de cette brigade d’élite.
Partenariat humanitaire et sanitaire
Dans le secteur de la santé, des médecins belges participent souvent, aux côtés de leurs collègues congolais, à des opérations chirurgicales à Kinshasa et dans d’autres provinces. En mars dernier, par exemple, l’ONG belge, La Chaîne de l’espoir, a procédé pour la première fois, au centre de chirurgie pédiatrique de la clinique Ngaliema à Kinshasa, à des opérations cardiaques à cœur ouvert pour des enfants congolais.Dans le même cadre, deux petites siamoises congolaises, Denise et Cécile, nées dans la province du Sankuru, en novembre 2020, ont été opérées avec succès, en mars 2021, à l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola de Bruxelles. L’intervention chirurgicale a été possible grâce à l’appui de la Première Dame congolaise, Denise Nyakeru Tshisekedi, et de l’ancien ministre belge de la Défense, André Flahaut, dans un partenariat humanitaire entre les deux pays.
A propos de la restitution des œuvres d’art congolais
La Belgique a décidé de restituer à la RDC la propriété de certaines œuvres d’art dérobées par des colons pendant la période coloniale. En février dernier, le Premier ministre congolais, Sama Lukonde, a reçu de son homologue belge, Alexander De Croo, au Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren (MRAC), un inventaire d’objets d’art congolais ramenés en Belgique durant la période coloniale. Cet inventaire est un répertoire de 84 000 objets ramenés du Congo et conservés au MRAC. 41% de ce lot constituent des objets d’origine inconnue et 1% est le fruit d’un pillage. A l’heure actuelle, les deux pays s’activent pour leur restitution.
On note aussi que la Belgique a mis en place un groupe de scientifiques africains et belges pour aider la « Commission de la vérité/de la réconciliation passé colonial belge » à « clarifier l’impact de la politique coloniale » au Congo, au Rwanda et au Burundi, afin de déterminer sa politique future.
La relique de Patrice Lumumba attendue au Congo
Un événement attendu par le peuple congolais et qui concerne les deux pays est sans aucun doute le retour, ce mois-ci au Congo, de la relique du héros national Patrice Emery Lumumba, assassiné au Katanga le 17 janvier 1961. Il s’agit d’une dent de l’ancien Premier ministre, aujourd’hui aux mains de la justice belge et qui doit être remise à sa famille biologique.La RDC entend offrir une sépulture digne à son héros national. Ce retour au pays sera une nouvelle occasion pour les deux nations, belge et congolaise, de raffermir leurs liens historiques, en tournant résolument le regard vers l’avenir.
Des relations bilatérales apaisées
Depuis trois ans, les relations entre la RDC et la Belgique sont sans nuage et le soutien de Bruxelles pour un Congo différent de celui qu’il a été naguère est solide. Les deux pays sont «des partenaires traditionnellement proches» par l’histoire et un parcours commun de plusieurs décades, selon les mots de Sophie Wilmès, alors Première ministre belge, lors de sa visite à Kinshasa et à Lubumbashi, en février 2020, premier déplacement d’un chef du gouvernement belge au Congo depuis dix ans.
A l’occasion du 60ème anniversaire de l’indépendance de la RDC, en juin 2020, une lettre du roi Philippe au président Tshisekedi exprimait les «plus profonds regrets» royaux pour les actes de cruauté et les souffrances commis, sous le règne du Roi Léopold ll, dans l’Etat indépendant du Congo et sous la colonisation belge. A cette occasion, la Première ministre Wilmès avait déclaré que «l’heure est venue pour la Belgique d’entamer un parcours de recherche, de vérité et de mémoire ». Mais elle avait aussi indiqué, « avec honnêteté », que si la Belgique « a toujours bataillé ferme contre le racisme et toute forme de discrimination,il reste encore du travail pour garantir l’égalité des chances pour tous ».
Mme Wilmès avait surtout constaté que les communautés congolaise de Belgique et belge au Congo « participent, chacune, à la richesse et à la diversité de nos pays respectifs depuis tant d’années. Il y a un peu de vous en nous et de nous en vous », avait-elle souligné.
Devenue ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès avait confirmé, en février 2021, le soutien de son pays au président Félix Tshisekedi « dans ses efforts visant à dégager une nouvelle dynamique politique en RDC ». Ce soutien, avait-elle rappelé, est « conditionné au respect de la Constitution, à l’aboutissement de réformes bénéficiant à la population congolaise mais aussi à la préparation adéquate du scrutin de 2023 ».
Roger Mazanza Kindulu